Chapitre 5
Taishakuten avait suivi ses amis jusquà la salle du trône. Zochoten, en tant que général du Sud, avait dû les quitter pour rejoindre Tentai qui devait faire son discours au peuple. Vayue ne cessait de lui lancer des regards langoureux auxquels il se gardait bien de répondre. Nul doute que ce soir le dieu du vent se traînerait à ses pieds pour quil laccepte dans son lit.
Il sinstalla aux côtés de Bishamonten et la longue attente commença. Tentai narriverait que dans quelques minutes et les esprits commençaient à séchauffer. Taishakuten surprit une conversation entre deux hommes se demandant quels seraient les soldats récompensés et deux femmes sentretenaient sur la beauté du dieu de la guerre et faisait des pronostiques sur qui aurait lexceptionnelle chance de devenir son épouse... Puis, il entendit la voix de Bishamonten qui lui parlait.
-Quels décors somptueux tu ne trouves pas ?
-Si, répondit-il en parcourant du regard les murs de la salle. Tout est tellement incroyable dans ce palais.
Il sétonnait essentiellement de la taille exceptionnelle de la pièce et du nombre de courtisans réunis pour loccasion. Et surtout, il admirait le trône dans lequel il se serait bien assis...juste comme ça... pour voir.... sans arrières pensées....
Lattente commençait à être très longue et quelques spectateurs montraient des signes dimpatience. Cest alors quune très belle femme sortit des rangs, une harpe à la main et, sinstallant sur des coussins à proximité du trône, commença à jouer une mélopée féerique qui eut tôt fait de supprimer la tension.
-Elle joue de façon incroyable, murmura Taishakuten.
-Oui, répondit Bishamon. Cest Kendappa-ô, la princesse de la musique. Lépouse de Jikokuten, le général de lest.
-Jai entendu dire quil laimait vraiment beaucoup. Même moi qui ne suis pas attiré par les femmes, je dois admettre que sa musique suffirait à me séduire.
-Oui, mais même sils sont mariés, je ne crois pas quelle lui soit très fidèle.
-Quoi ! Le grand Jikokuten est cocu !
Bishamonten éclata de rire.
-Tu as une façon de dire ça ! Moi, je ne fais que répéter ce que jai entendu dire... Après, quant à savoir sil sagit de la vérité....
-Oui mais....
Avant que Taishaku nait pu répliquer, une voix séleva :
-LES...
La salle se figea et tous sagenouillèrent, attendant le passage des grands du royaume.
-...QUATRE GENERAUX DU CIEL.
Apparurent alors les plus grands guerriers du ciel. Lorsquils passèrent à proximité des deux amis, Bishamonten ne put retenir un :
-Vas-y Zocho ! ! !
Et Taishaku de renchérir :
-On est avec toi Zocho ! ! !
Zocho leur décocha alors son regard vous êtes bien sympa les mecs mais arrêtez de déconner sinon je vais avoir des ennuis. Dailleurs, Jikokuten ne put sempêcher de lui faire remarquer que sil voulait se montrer digne de son rang, il fallait quil sache un peu mieux choisir ses compagnons.
-Ta gueule le cocu, murmura Taishaku lorsquil crut que le Dieu de lest sétait suffisamment éloigner pour ne pas lentendre.
Bishamonten pouffa. Et son rire redoubla lorsquil vit que Jikoku sétait retourné et fixait Taishaku dun regard mortel, avant de finalement reprendre sa marche.
-Oups, fit Taishaku en ricanant. On dirait que le Dieu de lest a une ouïe des plus fines.
-En tout cas, lui fit remarquer Bishamon en retenant son fou rire, on ne peut pas dire que tu te sois fait un ami.
-Oui, mais sa réaction confirme les ragots.
Et tous deux de repartir dune nouvelle crise. Mais la voix annonça :
-LA PRINCESSE KISSHOTEN ET LE DIEU DE LA GUERRE ASHURA-Ô.
Et soudain, ils neurent plus du tout envie de rire.
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Taishakuten crut tout dabord que son cur avait cessé de battre. Cet homme qui venait dapparaître à lentrée de la salle... Ashura-ô sans nul doute... Il était incroyable... irréel... Ce visage, si doux... Ces yeux dorés, si chaud... Cette chevelure noire et soyeuse... Ces oreilles...ces oreilles quoi... et ce corps, si parfait...
Taishaku eut envie de hurler... de se jeter sur lui et de simplement le serrer contre lui... de le toucher... de le caresser... de sentir son odeur... de goûter sa peau. Et soudain son cur quil croyait sêtre arrêté repartit de plus belle, courant à cent à lheure, lui envoyant des bouffées de chaleur dans tout le corps, des décharges électriques dans tous les nerfs... La sueur couvrit entièrement ses muscles.
Ashura passa à quelques centimètres de lui sans même lui décocher un coup dil. Dailleurs il semblait avancer sans rien regarder dautre que le trône au fond de la salle. Taishaku résista à lenvie de lui attraper le bras au passage, juste pour quil soit au courant de son existence...
Sentant que tout son corps tremblait démotion, il sefforça de reprendre son souffle, de décrisper ses poings, de calmer les battements de son cur. Mais mon dieu cétait si difficile. Jamais il navait ressentit une chose pareille. Etait-ce cela quon appelait le coup de foudre ? Oui, sans doute...
A ses côtés, il entendit Bishamonten murmurer, dune voix aussi fébrile quaurait pu être la sienne sil avait tenté de parler à cet instant :
-Quelle beauté...
Mais il y prit à peine garde tant ses pensées étaient désormais tournées vers cet homme quil nosait à présent plus regarder de peur de perdre ses moyens une seconde fois.
Lorsque Tentai passa devant lui, il ne prit même pas la peine de relever la tête. Plus rien ne comptait désormais. La gloire, le pouvoir, la puissance, le titre de Raijin... tout cela lui était égal à présent, balayé en lespace dun regard.
Il entendit une voix, récitant ce qui devait être un discours à en juger par le ton monocorde employé, puis il sentit des gens qui se levaient, sortaient des rangs et allaient sagenouiller devant le trône... mais tout cela lui paraissait très loin. Il était enfermé dans son propre esprit où tournaient en rond quelques questions auxquelles il navait pas de réponse... Comment lui faire savoir que jexiste ? Comment laborder ? Quel prétexte trouver pour lui parler ? Comment lattirer à moi ? Me trouvera-t-il beau ? Que faire ? Que faire ? Comment agir ? Et pour la première fois de sa vie, Taishakuten se sentit complètement désemparé.
Il sentit alors quon le secouait et quon sadressait à lui... Cétait Bishamonten...
-Hé, Taishaku.. Quest-ce que tu attends cest à toi....
Il reprit ses esprits juste assez rapidement pour entendre une voix demander :
-Je viens dappeler le seigneur Taishakuten ? Il est absent ?
-Non Majesté, répondit précipitamment Bishamonten. Le voilà.
Taishaku se releva et savança dun pas que lon pouvait prendre pour décidé vers le trône. Mais ses yeux, habituellement toisant les autres, restaient dirigés vers le sol. Il savait que sil relevait la tête, il le verrait et alors... Il ne savait pas sil serait capable de se contrôler face à ce désir qui lui dévorait les entrailles depuis que le Dieu de la Guerre était entré dans sa vie, à peine quelques dizaines de minutes auparavant.
Enfin, il parvint jusquau trône de Tentai et sagenouilla. Ashura-ô... Il était si proche de lui... A un ou deux mètres à peine.. si proche que sil tendait un peu le bras il pourrait caresser ses pieds qui ne pouvaient être autrement que délicats...
-Taishakuten, vous pouvez me regarder lorsque je vous parle, lui fit remarquer Tentai.
-Oui Majesté, fit-il dune toute petite voix nouée par lémotion. Veuillez mexcuser.
Il releva la tête et se concentra à ne fixer que Tentai... que ce visage... ne pas laisser son regard déborder sur les côtés et tout ira bien...
-Bon, comme je le disais, reprit Tentai, on ma fait part de vos exceptionnels états de service et je dois bien avouer que je suis extrêmement satisfait de vous Taishakuten.
-Merci Majesté. (Tentai... je ne dois regarder que Tentai...)
-Vous avez démontré des talents de guerrier, de stratégiste et de meneur dhommes tout à fait exceptionnels.
-Merci Majesté (seulement Tentai...)
-Cest pourquoi jai décidé de vous récompenser.
-Cest un grand honneur Majesté (Tentai...)
-Comme vous le savez, le titre de Dieu de la Foudre est vacant. Considérez que ce titre est désormais le votre Raijin Taishakuten
-Merci Majesté.
Ca y est, cétait fait, il était le Raijin Taishakuten. Un homme puissant et respecté. Un général de Tentai. Mais peu lui importait cela. La seule chose importante... la seule... Et ce fut trop tard. Ses yeux se détachèrent de Tentai pour glisser vers lhomme à sa droite... Ashura-ô... Ashura...
Taishakuten aurait juré avoir vu le Dieu de la guerre frémir lorsque leurs regards se croisèrent, moment exquis mais cependant trop court. Plonger dans ses yeux dor éternellement, voilà ce quil désirait. Mais Ashura détourna bien rapidement la tête et le contact ne dura pas plus que quelques dixième de seconde. Mais quel précieux instant pendant lequel Taishakuten sentit son corps se tendre de nouveau et ses membres trembler de désir...
Puis une nouvelle fois la voix de Tentai se fit entendre.
-Vous pouvez disposer Raijin Taishakuten.
-Bien Seigneur.
Lentement, Taishaku se releva et regagna sa place, se demandant comment ses jambes fébriles avaient pu le porter jusque là.
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Le discours de Tentai lui semblait incroyablement long. Il était pourtant bien placé pour savoir quil ne pouvait durer plus de quelques minutes. Mon Dieu, pensa-t-il, je naurai du lui écrire que quelques lignes... Au moins ce serait fini à présent...
En fait Ashura-ô, malgré son air impassible, était tiraillé par des sentiments contradictoires. Il avait envie de regagner son palais et la douce solitude de sa chambre, pour pouvoir en paix se lamenter sur son sort et élaborer un plan qui lui permettrait de sortir de cette impasse mais il avait également envie de rester aux côtés de Tentai pour enfin voir à quoi ressemblait ce Taishakuten dont tout le monde ne cessait de parler et qui sait peut être apercevoir le jeune soldat de tout à lheure... Et regagner la douce solitude de ta chambre en compagnie du jeune soldat ? ? ? Murmura la petite voix dans sa tête.. Mais Ashura ne prit même pas la peine de lécouter tant elle lui parut absurde. Daccord, ce jeune soldat, sans quil sache pourquoi, avait attiré son attention mais de là.....
-Alors, on sennuie ferme ? murmura Ryu-ô dans son dos.
-Pourquoi dis-tu cela ?
-Mon pauvre Ashura, tu crois peut-être que cela ne se voit pas ? Avec tes yeux qui fixent le vide comme si tu dormais debout...
-Bon, jadmets que les cérémonies ne me passionnent pas...
Tentai leur jeta un regard réprobateur du genre quand je parle on se tait et tous deux firent mine dobéir. Cependant, dès que lempereur eut retourné son attention vers autre chose (en loccurrence un jeune soldat qui passait au grade de capitaine), Ryu-ô reprit un ton plus bas.
-Au fait, tu as vu Taishakuten ?
-Non, tu ne mavais même pas dit à quoi il ressemblait...
-Mais si ! Celui qui se balade comme sil était notre maître à tous.
-Ca ne suffit pas comme description.
-Bon alors fait un peu attention car je crois quil est le prochain sur la liste...
En effet le tout nouveau capitaine venait de regagner sa place et Tentai appela dune voix forte.
-Jappelle à présent le seigneur Taishakuten.
A ce nom, la foule se tendit dans lattente de voir enfin le fameux phénomène. Ashura lui-même guettait impatiemment lapparition du futur Raijin. Mais rien...personne ne se leva... Ryu-ô lui chuchota à loreille.
-Encore un de ses trucs pour attirer toute lattention sur lui....
Tentai fronça les sourcils et demanda dune voix contrariée.
-Je viens dappeler le seigneur Taishakuten. Il est absent ?
-Non Majesté, répondit une voix au centre de la salle. Le voilà.
Enfin, un homme se leva et savança vers le trône.
Ashura cessa de respirer lorsquil reconnut en Taishakuten le soldat blond entraperçu plus tôt dans laprès midi au bar des officiers. Cet homme, cette magnifique créature qui obnubilait ses pensées, bien quil ne leut jamais admis, depuis le début laprès-midi, nétait autre que le terrible soldat. Autour de lui les apartés commencèrent mais il ny prit pas garde, ses yeux dévorant lincroyable visage.
-Mais, bredouilla Jikokuten en reconnaissant lhomme qui lavait insulté quelques minutes auparavant, cest impossible.. Tentai ne peut pas récompenser un type pareil....
-Quil est beau... et séduisant... et incroyablement fort... murmuraient quelques femmes au premier rang.
-Quelle allure, commentaient les hommes.
-Cest étrange, chuchota Ryu-ô, il nest pas comme dhabitude. On le dirait fébrile.. comme peu sûr de lui...
Taishakuten atteignit enfin le trône et sagenouilla devant lempereur, son regard toujours rivé au sol. Puis lorsque Tentai lui fit une réflexion, il releva la tête mais Ashura ne pouvait toujours pas voir lintérieur de ses yeux. Pourtant il le désirait ardemment... et le redoutait. Arriverait-il à saisir la personnalité du Raijin simplement par son regard ? La conversation sengagea sans quil ne lécoute. Cest alors.....
..... que les yeux de Taishakuten se plantèrent dans les siens... quelques instants intenses pendant lesquels Ashura sentit ses forces et sa volonté labandonner.. . , oui, cet homme, cet homme était devenu le centre de son univers.... Cette beauté fragile et cette force dévastatrice alliées dans un seul et même corps...Il avait envie.. . Il voulait.. . Il désirait... Enfin, réunissant le peu dénergie quil lui restait, Ashura tourna la tête, brisant le contact et laissant un vide immense, douloureux, au niveau de sa poitrine.
Puis le nouveau Raijin regagna sa place, le laissant seul, abandonné, désemparé.
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-Alors, Raijin, plaisanta Bishamonten lorsquil sortirent de la salle du trône pour se rendre à celle du banquet, on fait attendre lempereur ?
-Imbécile ! ! Jétais tout bêtement en train de mendormir. Je préfère les champs de bataille aux réceptions mondaines.
-Ce nétait pas une raison pour faire ton timide. On tentendait à peine du fond de la salle. Honnêtement je ne te reconnaissais pas. Les spectateurs étaient déçus. Il sattendait à mieux de la part du flamboyant Taishakuten....
-Les spectateurs je men fous. Et puis franchement tu te crois mieux ? ? Tu crois peut être que je nai pas remarqué ta voix au moment ou la fille de Tentai est passée.
Bishamonten se figea puis reprit dun ton plus posé.
-Je ne pensais pas que tu aurais remarqué... Mais elle est si belle. Au moment où je lai aperçue, ce fut comme si quelque chose mavait bloqué le cur....
-Le coup de foudre....
-Peut être, puis en secouant la tête. Mais non, il faut que jarrête ça.. . Elle est la fille de lempereur et je nai même pas le droit den rêver .... Jamais elle ne pourra être mienne..
-Lorsque lon désire quelque chose hardiment...
-Non, ne me donne pas de faux espoirs. Ca fait trop mal.
A ce moment là il furent rejoint par Vayue.
-Félicitation pour ta promotion Raijin Taishakuten ! !
-Merci...
Tous trois pénétrèrent dans la salle du banquet et prirent place, Taishakuten face à Vayue et Bishamonten à ses côtés. Zochoten arriva alors.
-Raijin Taishakuten, permettez-vous quun modeste général se joigne à vous ?
Tous trois éclatèrent de rire.
-Allez, Zocho, installe-toi, sexclama Vayue. Et dis-nous, quas-tu pensé de la performance de notre cher Taishaku.
-Et bien, commença Zocho en sasseyant, je lai trouvé assez éteint....
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-Alors Ashura, interrogea lempereur, quavez vous pensé de la cérémonie ? Tout sest très bien passé. Les gens avaient lair content.
-Oui, Majesté, répondit Ashura en prenant place à table à la droite de lempereur.
-Ashura, vous êtes sur que vous vous sentez bien ? Vous êtes tout pâle depuis... en fait quand jy repense, vous êtes tout pâle depuis le début de la fête.
-Cest juste la fatigue. Jai passé une bonne partie de la nuit à écrire vos discours.
-Mon pauvre ami ! Quest-ce que je vous ai fait subir !
Je ne suis pas votre ami, pensa-t-il amèrement. Vous me répugnez... Vous avez eu un fils et voilà comment vous le traitez... Alors que moi, si je veux le mien... Mais il stoppa là sa pensée et se contenta dun hochement de tête en souriant.
Puis il releva la tête et le destin le frappa une nouvelle fois. Lagencement des grandes tables avait été fait de telle sorte que lorsquil regardait droit devant, par-dessus lépaule de sa voisine den face, Ryu-ô, ses yeux plongeaient directement dans ceux du Raijin Taishakuten.
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-Tai ! Tu vas bien ? ? Mais quest-ce que tu as aujourdhui ?
Bishamonten le secouant.
-Rien, cest.... ce nest rien.
Oh mon dieu, pensa-t-il, pourquoi ?
Il avait regardé par-dessus lépaule de Vayue et ses yeux avaient croisé lor des yeux dAshura-ô. Une nouvelle fois ses forces lavait abandonné....
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Tous deux détournèrent précipitamment le regard et sabsorbèrent dans la contemplation méticuleuse de leurs assiettes encore vides....
Le banquet allait leur paraître très long....