Troisième partie (toujours aucun titre...)

 

 

Depuis le début de la matinée, Thomas essayait d’écrire, mais rien à faire, l’inspiration n’était pas au rendez-vous. Bien sûr, il avait de nombreuses idées, imaginant des scénarii alambiqués dans lesquels seul un homme aussi exceptionnel que le Capitaine Lewis pouvait triompher, mais malgré cela il ne parvenait pas à se concentrer sur son travail. Sans cesse son esprit se tournait vers Mathieu et sur l’étrange comportement que celui-ci avait eu la veille. Mais si Mathieu avait eu un problème, il lui en aurait tout de même parlé ! Après tout ils étaient amis !

Thomas se leva de sa chaise et comme toujours lorsqu’il était crispé ouvrit la fenêtre crasseuse de laquelle il pouvait apercevoir les cheminées fumantes des usines. Leurs rejets noirs se détachaient particulièrement bien dans le ciel bleu.

Thomas soupira. Une si belle journée et pourtant il se sentait si mal…

Le vent soufflait doucement, faisant entrer une douce brise iodée dans la chambre humide. Thomas sentait ses cheveux, trop longs à son goût, voleter sur son front et contre sa nuque. Il y passa une main nerveuse, tentant de leur donner un semblant d’ordre. Décidément, il allait devoir bientôt couper tout ça. Peut être que Mathieu pourrait s’en charger.

La pensée du jeune peintre lui fit tourner les yeux vers le port et l’océan sur lequel des dizaines de voiles blanches dansaient au gré du vent et des vagues. Ils avaient passé de si bons moments tous les deux sur le quai, et notamment la veille au soir quand ils étaient rentrés main dans la main et que finalement Mathieu l’avait serré contre lui. L’odeur délicate de sa chevelure était encore présente sur les vêtements de Thomas. Et pourtant la fin de soirée avait été aussi très tendue. Qu’est-ce qui pouvait bien inquiéter Mathieu à ce point ?

Dans le port, un galion s’éloignait du quai. Thomas ne le voyait que d’assez loin et pourtant il ne put s’empêcher d’être fasciné par les quatre mâts tanguant au rythme de la mer. C’était vraiment un énorme navire, sans doute l’un des plus beaux que le port n’eut jamais accueilli. Thomas n’aimait pas la mer et les bateaux mais il devait admettre que celui ci était d’une rare beauté, presque aussi beau que celui qu’il avait imaginé pour son capitaine Lewis.

Soudainement il eut comme un mauvais pressentiment, plus fort encore que celui de la veille. Oppressant et étouffant. Sans même prendre la peine de passer sa veste ou de mettre sa casquette, il sortit de chez lui, s’engouffra dans les escaliers vermoulus qu’il descendit quatre à quatre malgré les craquements inquiétants que cela provoquait et se précipita dans la rue, bondée à cette heure.

Sans aucun égard pour les passants qu’il bousculait, il courut jusqu’au port, aussi vite qu’il le pouvait, malgré son souffle haletant et ses poumons brûlants. Une fois au bout du quai, il dut s’arrêter quelques secondes pour éviter de s’évanouir. Il n’était guère habitué à des efforts physiques aussi violents. Ses jambes tremblaient dangereusement. Mais tant pis pour les protestations de son corps, Mathieu était bien plus important que toutes ces douleurs qui ne tarderaient pas à passer.

Il reprit sa course à travers le port, hurlant aussi fort que corps le lui permettait le nom du jeune peintre. Autours de lui les badauds inquiets s’écartaient. Ils n’avaient pas envie de s’opposer à ce jeune homme au regard fou.

Thomas, hors d’haleine, dévisageait chaque passant et chaque passager des navires encore à quai, à la recherche de son ami, mais sans succès. Presque sans qu’il ne s’en aperçoive, il était arrivé à hauteur de la taverne de Chris. Suivant son instinct, il s’y précipita. Mathieu y était probablement et il s’était inquiété pour rien.

Comme toujours, la salle était pleine et enfumée. Malgré l’envie qu’il en avait, Thomas se retint de crier le nom de Mathieu ce qui aurait rendu la tache plus aisée. Il avait parfaitement conscience du fait qu’il n’avait pas un comportement des plus rationnels et préférait rester discret en présence de Chris et Adeline. Alors, se frayant difficilement un passage entre les corps agglutinés, il se rendit jusqu’au comptoir d’où il interpella Chris. Celui-ci, le regard inquiet, s’approcha de lui.

-Eh bien Thomas, interrogea-t-il, qu’est-ce qu’il t’arrive ? Ca n’a pas l’air d’aller.

Thomas respira calmement pendant quelques secondes pour calmer son cœur affolé, sinon il aurait été incapable d’émettre la moindre parole cohérente. Patiemment Chris attendit.

-Chris, commença-t-il, où est Mathieu ?

-Mathieu ? Tu veux parler de ton ami le peintre ?

Thomas se pencha au-dessus du comptoir pour coller son visage paniqué contre celui de Chris.

-Oui, où est il ?

Chris le regarda étonné puis peiné. Un autre homme interpella le barman, lui réclamant une bière.

-Alors il ne te l’a pas dit… Il est parti. Ce matin il a payé sa note et m’a dit qu’il quittait la ville.

Agressivement Thomas attrapa Chris par la chemise et tenta de la secouer de fureur, mais l’homme était bien trop massif pour être ainsi déstabilisé.

-Il est parti et tu l’as laissé faire ! Tu ne l’as même pas retenu !

-Thomas calme-toi ! Je ne pouvais tout de même pas…

-OU EST-IL ALLE ? DIS MOI OU IL EST PARTI CHRIS!

-Je ne sais pas Thomas, je ne sais vraiment pas. Il ne m’a rien dit, maintenant si tu veux bien me lâcher, j’ai du travail.

Mécaniquement Thomas lâcha la chemise de Chris et s’écroula en pleurs contre le bar. Mathieu l’avait quitté. D’abord ses parents, puis le capitaine Lewis et maintenant Mathieu. Comme toujours il se retrouvait seul… Si seul…

Il avait parfaitement conscience du regard moqueur des autres clients mais s’en fichait éperdument. Ne comptait plus que sa douleur et sa solitude. Il s’était promis de ne pas le laisser et maintenant Mathieu l’avait abandonné.

Ses jambes, rendues faibles par la course et l’émotion cédèrent sous lui. Il était à terre, dans tous les sens du terme. Il sentait les larmes chaudes couler le long de son visage, il entendait les hoquets que provoquait son manque d’air et sa panique, il sentait ses ongles s’enfoncer dans ses paumes jusqu’à les faire saigner, mais tout cela n’avait pas la moindre importance maintenant que Mathieu était parti.

Une main douce se posa sur son épaule. Mathieu, pensa Thomas en releva la tête avec espoir. Mais comme il aurait dû s’en douter, il ne s’agissait que d’Adeline. La jeune serveuse, visiblement attristée par sa détresse, s’agenouilla à ses côtés, le prit dans ses bras et le berça comme un enfant. Thomas passa les bras autours d’elle et, la serrant très fort, enfouit sa tête contre son cou pour pleurer. Timidement, elle lui caressa le dos, sous l’œil un peu désapprobateur de son père.

-Thomas, Thomas écoute-moi, murmura-t-elle à son oreille.

-Il est parti, hoqueta-t-il.

-Je sais, je sais, mais il n’est peut-être pas trop tard.

Thomas redressa la tête et regarda la jeune fille aux joues rougies par l’émotion. Pouvait-il encore espérer ?

-Que veux-tu dire par la ? interrogea-t-il en se frottant nerveusement les yeux.

-Il est parti il n’y a que très peu de temps. Son bateau n’a peut-être pas encore quitté le port.

Visiblement il était très douloureux pour la jeune fille de le pousser ainsi à retrouver Mathieu, mais sa grande générosité la forçait à se sacrifier pour le voir heureux.

-Mais s’il est parti, répliqua Thomas, c’est qu’il ne voulait pas me voir.

-Je ne sais pas… Je pense que tu devrais le rattraper et en discuter avec lui !

 

Thomas baissa les yeux, ne sachant que répondre. Certes il avait très envie de retenir Mathieu mais si celui ci voulait partir…

-Thomas ! s’exclama Adeline en le secouant, vas-y ! Essaie de le retrouver ! Je pense que tu dois essayer.

 

Faiblement Thomas hocha la tête. Il se remit fébrilement debout.

Mathieu… Retrouver Mathieu… Il le voulait près de lui… Il avait besoin de lui. Et même si cela était une pensée des plus égoïstes, ça n’avait pas d’importance. Plus maintenant…

-Dépêche-toi Thomas, l’encouragea à son tour Chris. Il n’est peut être pas trop tard !

Alors Thomas sortit du bar et s’élança sur le quai, à la recherche des bateaux en phase d’embarcation. Il courrait de navires en navires, à la recherche des cheveux d’argents de Mathieu mais nulle trace du peintre.

Il paniquait de plus en plus. Et s’il était trop tard ? Si Mathieu se trouvait à bord d’un de ces bateaux disparaissant à l’horizon, que deviendrait-il ? Que ferait-il ?

Enfin, alors qu’il arrivait au bout de la jetée, il aperçut, sur le pont d’une caravelle dans laquelle embarquaient les derniers passagers, son peintre.

-MATHIEU ! MATHIEU, hurla-t-il, du plus fort qu’il pouvait.

L’interpellé tourna un visage étonné vers lui et le reconnaissant, s’éloigna précipitamment du garde-fou comme pour se cacher. Sans réfléchir davantage, Thomas s’élança. Il bouscula la file des passagers attendant pour embarquer et s’engagea sur la planche reliant le quai au pont. Un des marins, vérifiant les billets des passagers voulut l’empêcher de passer mais sans ménagement Thomas le heurta et le malheureux tomba à la mer. Une partie de l’équipage, attirée par l’inhabituelle agitation, se lança à ses trousses, mais Thomas était rapide et il se précipita vers l’endroit où il avait aperçu Mathieu, mais ce dernier avait disparu.

-MATHIEU, appela une nouvelle fois Thomas.

Il ne reçut pas de réponse.

-Ne bougez plus ! Lui ordonna un des marins en s’approchant de lui. Vous n’avez rien à faire sur ce vaisseau !

-Je cherche quelqu’un, répondit tout simplement Thomas, nullement décidé à abandonner.

Alors il s’engagea dans l’escalier le plus proche, celui par lequel avait vraisemblablement fui_ Mathieu.

-MATHIEU ! MATHIEU OU ES-TU ? MONTRE-TOI JE T’EN PRIE !

Une nouvelle fois seul le silence et les pas précipités de ses poursuivants lui répondirent.

-Ne bougez plus ou vous allez avoir de gros ennuis ! lui ordonna-t-on.

Mais comme la première fois, Thomas ignora la menace et avança plus profondément dans le cœur du navire.

-Mathieu je t’en prie réponds moi…

Il tambourinait à toutes les portes en retenant ses sanglots. Pourquoi Mathieu le fuyait-il ainsi ? Ne voulait-il vraiment plus le voir ?

-Mathieu…

Une main se posa fermement sur son épaule, une main lourde et agressive. Thomas se retourna pour se trouver face à un géant qui d’après son uniforme faisait partie de l’équipage.

-Monsieur, vous n’avez rien à faire ici. Quittez immédiatement ce bâtiment !

Thomas secoua la tête.

-Pas tout de suite. Laissez-moi juste quelques minutes !

 

Le géant serra la main, provoquant des douleurs dans tout le bras de Thomas.

-Vous ne comprenez visiblement pas. Il s’agit là d’un ordre.

 

Thomas reprit son souffle et tenta de se dégager de l’emprise du monstre.

-Quelques minutes, juste quelques minutes, je vous en supplie.

-C’est impossible. Nous sommes sur le point d’appareiller.

D’un geste brusque, Thomas se débarrassa de la main du géant sur son épaule et s’enfuit dans le couloir.

-Arrêtez-le ! ordonna le géant aux hommes qui l’accompagnaient.

Tous se lancèrent à sa poursuite. Ils n’eurent aucun mal à rattraper Thomas, épuisé par ses courses successives.

-Lâchez-moi ! Lâchez-moi ! rageait-il en se débattant.

Calmement, en marchant, le géant les rattrapa.

-Jetez-moi ça à quai ! commanda-t-il.

-Non, non !

Thomas tenta de se défendre comme il pouvait, libérant un bras pour envoyer son poing à l’aveuglette sur tout ce qui l’entourait, mais le résultat n’était pas des plus efficaces. Soudainement, une douleur énorme le frappa sous la mâchoire et il s’écroula au sol, toutes ses forces le quittant. Il sentit le goût du sang lui remonter dans la bouche et un mince filet rouge s’écoula au coin de ses lèvres et le long de son menton. Ce foutu géant lui avait mit un sacré uppercut. Il essaya bien de se lever mais sans succès.

-Alors, ça te suffit ? interrogea le géant ?

-Va te faire foutre, répliqua Thomas à bout de force.

Un pied gigantesque le frappa en plein ventre, le cassant en deux. Il se mit à tousser, parsemant le parquet de taches écarlates. La douleur était atroce, mais il ne pouvait pas abandonner maintenant. Mathieu devait être tout proche. Un second coup le frappa au même endroit, puis un troisième et un quatrième.

Les larmes lui envahirent les yeux et il eut l’impression de s’évanouir quand une voix interrompit les rires gras des marins.

-Arrêtez je vous en prie.

Mathieu, pensa Thomas. Mathieu venait le défendre.

Le jeune peintre s’agenouilla près de lui et timidement posa une main sur son visage meurtri.

-Thomas ? Thomas ça va aller ?

-Ne pars pas, supplia Thomas en lui prenant la main.

Mathieu semblait sur le point de pleurer. Il serra la main de Thomas.

-Thomas, murmura-t-il. Je… Je ne pars plus.

Thomas lui sourit.

-Alors aide-moi à me relever et quittons ce bateau.

Mathieu, trop ému pour parler, hocha la tête. Il passa les bras sous les aisselles de Thomas, pourtant bien plus grand et plus lourd que lui, et l’aida à se lever. Les premiers pas de celui-ci furent hésitants et instables, mais le fait d’avoir retrouver Mathieu décuplait son courage et ses forces. Les marins s’écartèrent d’eux-même pour les laisser passer, visiblement soulagés d’être débarrassés de ce fou furieux qui avait retardé leur départ et frappé plusieurs d’entre eux.

La montée de l’escalier fut le passage le plus difficile. Le sac de Mathieu ne cessait de glisser de son épaule et il avait grand mal à le retenir de chuter et à soutenir Thomas. Mais finalement ils arrivèrent au bout.

Enfin ils se retrouvèrent à l’air libre. Thomas avait toujours le goût du sang dans la bouche mais au moins il ne saignait plus et ce qui s’était écoulé le long de son menton commençait à coaguler.

-Ils ne t’ont pas cogné trop fort ?

-Ca va aller, répondit-il en tentant de sourire malgré sa bouche douloureuse. J’y survivrai.

Le corps de Mathieu semblait si chaud contre lui qu’il en oubliait presque la douleur.

-Mathieu ? demanda-t-il doucement.

-Oui ?

-Pourquoi…

-Le voilà ! l’interrompit une voix.

Tous deux tournèrent la tête pour voir le capitaine du navire, en compagnie d’un garde municipal, pointant Thomas du doigt.

-Il est entré sur le navire par effraction, a jeté un de mes hommes à l’eau et en a frappé plusieurs autres.

Thomas s’approcha d’eux en baissant la tête.

-Je suis vraiment désolé. Je ne voulais pas causer tant de tort. Je m’en vais maintenant.

Mathieu vint se placer à ses côtés.

-Pardonnez-le, demanda-t-il. Tout est de ma faute.

Le capitaine, un homme d’une cinquantaine d’années à la mine peu engageante, leur jeta un regard noir.

-S’excuser ne suffit pas !

-Vous avez commis un certain nombre d’effractions, insista le garde. Vous devez me suivre je vous prie. Toute résistance ne ferait qu’aggraver votre cas.

Thomas, ayant retrouvé Mathieu et n’ayant aucune envie de s’attirer plus d’ennuis, hocha la tête.

-Thomas ! Où vont-ils t’emmener ? interrogea Mathieu, un peu paniqué.

-Au poste sans doute, répondit il en haussant les épaules pourtant douloureuses d’un air fataliste.

-Exactement, confirma le garde. Je dois relever votre identité et déterminer la gravité de vos actes.

-Je comprends, murmura Mathieu. Mais Thomas, dis-moi ce que je peux faire ? Combien de temps vont-ils te garder ?

-Je ne sais pas… Va voir Chris, lui il saura quoi faire.

Et docilement Thomas tendit ses poignets au garde qui les enchaîna et se laissa guider jusqu’au poste, pendant que Mathieu, resté muet devant ce spectacle, s’élançait vers la taverne de Chris pour lui demander conseil.

 

**********************

Thomas était assis sur le matelas miteux posé à même le sol qui était le seul mobilier de sa petite cellule. A travers les lourds barreaux gris il pouvait entrevoir le garde qui l’avait amené jusqu’ici et qui l’avait interrogé. Il n’avait pourtant pas eu grand chose à dire. Juste qu’il avait eu peur que son meilleur ami ne parte, et que sans réfléchir davantage à ses actes, il s’était précipité pour le retrouver, inconscient du tort qu’il avait pu causer au navire et à son équipage.

Bien sûr les faits qui lui étaient reprochés n’étaient pas bien importants et il devrait rapidement sortir de ce trou, n’empêche qu’il n’était jamais agréable de traîner dans ce cachot sombre ou à chaque instant un rat couinant lui frôlait la jambe comme s’il se demandait s’il devait mordre ou non ce morceau de viande, pourtant encore vivant, qu’on lui offrait.

 

Thomas soupira. Il espérait que Mathieu et Chris ne tarderaient plus à venir le chercher. Il n’avait pas encore été arrêté depuis sa rencontre avec Chris mais il se doutait bien de la réaction de celui-ci. Il allait paniquer, persuadé que Thomas allait bientôt passer au gibet, accourir jusqu’ici, le pauvre Mathieu trottinant derrière lui, et insister pour payer sa caution, bien qu’il sache parfaitement que jamais Thomas n’aurait les moyens de le rembourser.

Il ne put retenir un sourire. Chris était vraiment comme un père pour lui. Sans son aide, il n’aurait jamais pu survivre ou alors au prix d’énormes sacrifices, comme tous ces enfants traînant dans les rues et prêts à tout pour un morceau de pain rassis. Finalement même dans son malheur il avait été un privilégié.

Un peu engourdi, il se leva, étira son dos refroidi par le mur de pierres humide contre lequel il était appuyé depuis son arrivée et se colla aux barreaux, guettant le moment ou Chris et Mathieu arriveraient. Mathieu… Il l’avait finalement retrouvé. Il allait finalement rester près de lui. Il ignorait les motivations qui l’avaient poussé à partir mais il était bien décidé à ne plus jamais le laisser recommencer. Il ferait en sorte d’être ce que Mathieu avait de plus précieux au monde et de ce fait que jamais il ne l’abandonne.

Ses amis n’arrivant visiblement pas, il retourna s’asseoir là où il était précédemment, donnant au passage un coup de pied au rat qui ne s’était pas gêné pour revenir le harceler. Celui-ci poussa un petit cri aigu et s’enfuit par un trou dans le mur. Au moins maintenant Thomas aurait-il un peu de calme.

Il aurait bien aimé une cruche d’eau mais visiblement cela n’avait pas été prévu par son geôlier, preuve qu’il ne resterait sans doute pas bien longtemps enfermé. Il aurait certes pu réclamer mais étant donné les circonstances, il préférait se faire discret. Cela lui aurait également permis de se nettoyer un peu. Son visage était encore couvert de sang séché qu’il n’osait pas gratter tellement son visage lui faisait mal et semblait gonflé. Il avait grand peine à ouvrir la bouche à cause de sa mâchoire douloureuse, respirer lui était pénible, et chaque muscle de son corps était tendu comme sur le point de craquer.

Enfin, se dit-il, fataliste, moins il bougerait, mieux ça irait, et puis bientôt il serait chez lui et pourrait se coucher. Un peu de sommeil et toutes les douleurs se seraient dissipées… Enfin il l’espérait !

 

***********************

Le temps passait et il n’y avait vraiment rien à faire dans cette cellule, ce qui avait tendance à prodigieusement l’agacer. Quelle perte de temps alors qu’il aurait pu être avec Mathieu ou chez lui à continuer son roman. Enfin, il s’était conduit comme un imbécile et maintenant il le payait. Quoique, pensa-t-il, son comportement n’avait pas été si idiot que ça puisqu’il avait retrouvé Mathieu. Mais ce qui avait vraiment été imbécile de sa part avait été de ne pas s’apercevoir avant que quelque chose n’allait pas et de n’avoir pas pu régler ça avant que tout ceci n’arrive. Il aurait du plus se soucier de son ami au lieu de penser que ce bonheur durerait éternellement. Mathieu était un voyageur, il le savait, alors pourquoi n’avait-il pas réalisé avant qu’il risquait à tout moment de le quitter ?

Il soupira une nouvelle fois. Lui qui s’était toujours considéré comme quelqu’un de rationnel, il se laissait vraiment trop aveugler par ses émotions ces derniers temps. Mais comment faire autrement quand après une aussi longue période de solitude quelqu’un débarque d’on ne sait où et vous offre toute sa confiance et son amitié… peut être même son amour.

Thomas s’allongea sur le vieux matelas. L’amour… Aimait-il Mathieu ? D’après la réaction qu’il avait eu en apprenant son départ et le désir qu’il ressentait chaque fois que le jeune peintre se trouvait près de lui, il aurait tendance à répondre oui. Une chose était en tout cas sûre, il voulait que Mathieu reste à ses côtés, il voulait le prendre dans ses bras, l’embrasser, le caresser, plus que jamais auparavant. Sauf peut être… Sauf peut-être la nuit où il avait rencontré le Capitaine Lloyd Lewis… Le Capitaine Lloyd Lewis, encore un élément de sa vie qu’il avait du mal à gérer. Certes, l’homme original était parti, ne laissant la place qu’à un personnage de papier ce qui facilitait grandement les choses, et pourtant il était encore tellement présent dans sa vie. Mais il devait se rendre à l’évidence. Jamais il ne le reverrait alors autant continuer à utiliser son image exclusivement pour ses romans et offrir sa vie, la vraie, celle de ce monde, celle du réel, à quelqu’un qu’il pouvait garder éternellement près de lui s’il agissait comme il fallait, c’est à dire Mathieu. Même s’il avait un peu peur de brusquer les choses… Mathieu lui semblait si pur et innocent.

Le grincement de la lourde serrure de métal le tira de ses pensées et il ouvrit les yeux qu’il avait inconsciemment fermés.

Derrière la grille se trouvait le garde qui le fixait d’un air sévère, et derrière lui, comme il l’espérait, Chris et Mathieu. Eh bien, ils en avaient mis du temps, pensa Thomas, mais il n’allait tout de même pas se plaindre alors qu’ils venaient le tirer de ce mauvais pas.

Il se leva précipitamment mais s’écroula aussitôt, ses jambes comme incapables de le soutenir.

-Thomas ! S’écria Mathieu, poussant le garde pour entrer dans la cellule et venir à son aide.

-C’est trois fois rien, répondit-il, prenant son temps cette fois pour se mettre debout.

Mathieu se glissa à ses côtés et lui passa un bras autour de la taille, le soutenant du mieux qu’il pouvait.

-Tu es sûr que tu peux marcher ?

Thomas lui sourit tendrement, du moins autant que sa bouche enflée et douloureuse le lui permettait.

-Mais oui, bien sûr. Je me suis juste relevé trop rapidement.

Confiant, Mathieu hocha la tête et l’aida à sortir, sous les injonctions pressantes du garde qui visiblement voulait se débarrasser au plus vite de ces deux là.

Accompagnés de Chris, qui n’avait jusque là pas dit un mot, ils sortirent de la prison pour se retrouver en pleine rue, où un vent froid s’était levé. La nuit était presque tombée, et Thomas, se maudissant pour avoir oublié sa veste, se colla à Mathieu afin de se réchauffer un peu plus.

-Merci à tous les deux, balbutia-t-il, soulagé de s’en être tiré sans plus de difficultés.

-Tu sais, répondit gentiment Mathieu, moi je n’y suis pas pour grand chose. C’est Chris qui a payé ta caution.

Thomas ne put retenir un sourire. Alors tout s’était bien passé comme il l’avait supposé. Ce brave Chris… Il serait vraiment perdu s’il ne l’avait pas toujours près de lui, prêt à agir à la moindre complication.

-Merci Chris, tu es vraiment un ami.

Chris le regarda tendrement, comme un père retrouvant son fils après une rude épreuve, et cela contrastait étrangement avec son air habituellement bourru et un peu ours.

-Tu sais bien que tu peux toujours compter sur moi. Tout ce que je regrette ,c’est de n’avoir pas pu venir plus tôt. Mais le bar était plein et je ne pouvais vraiment pas laisser Adeline gérer tout cela toute seule.

-Ce n’est pas grave… Cela m’a finalement un peu remis les idées en place.

Chris lui ébouriffa les cheveux.

-Allez, je ferais mieux d’y aller, sinon cette pauvre Adeline n’arrivera pas à se dépêtrer. Je te confie à Mathieu, je lui ai donné tout ce qu’il fallait pour te soigner. Et maintenant rentrez vite avant d’attraper froid.

Avant que Thomas n’ait pu répliquer, Chris s’était éloigné en direction de son auberge. Bon, il allait visiblement devoir emmener Mathieu chez lui… Après tout ce temps…

Avant de passer le coin de la rue, Chris se retourna et leur cria :

-Au fait les garçons, ne faites pas trop de folies. Thomas n’est pas encore en état.

Puis il disparut.

Thomas se sentit rougir jusqu’aux racines des cheveux. Comment Chris avait-il pu oser… Mais à ses côtés, Mathieu éclata de rire, comme si c’était la chose la plus naturelle au monde. Oh et puis zut, se dit Thomas, ce n’était pas le moment de s’outrer de telles gamineries. Il avait bien trop mal partout pour ça.

Mathieu le serra tendrement contre lui.

-Nous ferions mieux d’y aller, conseilla-t-il à Thomas. Tu n’es pas très couvert.

-C’est que je suis parti tellement vite de chez moi…

Mathieu baissa tristement la tête. Il retenait ses larmes visiblement à grand peine.

-Je suis désolé, murmura-t-il.

-Tu sais… commença Thomas, mais il fut interrompu par Mathieu qui avait relevé la tête en arborant son habituel sourire.

-Tu ferais mieux de me guider, parce que je ne sais absolument pas où tu vis.

Thomas hocha la tête.

-Tu sais, ce n’est pas bien beau mais…

-On s’en fiche! Répliqua Mathieu, c’est déjà mieux que de dormir dehors. Et dépêchons nous, il commence à vraiment faire frais.

Et Thomas, aussi rapidement que son corps endolori le lui permettait, emmena Mathieu jusque chez lui.

 

*********************

Mathieu examinait le visage de Thomas à la lueur des bougies. C’était encore pire que ce qu'il lui avait semblé dans la nuit tombante. Sous un de ses yeux apparaissait une vilaine marque noire, son nez, tout comme ses lèvres, semblait avoir doublé de volume et tout le bas de son visage était couvert d’une croûte de sang coagulé. Avec un bout de tissu humide, il commença à enlever le sang, faisant apparaître en dessous une peau tuméfiée.

Il poussa un soupir suivit d’un éclat de rire.

-Qu’est-ce qui t’amuses ? interrogea Thomas, un peu vexé.

Mathieu se mordit la lèvre pour retenir un nouvel éclat de rire et répliqua d’un air malicieux.

-Mon pauvre Thomas, si tu voyais ta tête ! Terrible !

Thomas poussa un grognement. Enfin il ne fallait pas qu’il se plaigne il avait retrouvé Mathieu, mais si c’était pour que celui ci se moque de lui…

-Oh allez, arrête de bouder ! Je vais de soigner et demain tu auras retrouvé ton délicat visage d’éphèbe !

-Arrête de te moquer de moi!

Mais Mathieu ne répliqua que par un éclat de rire auquel Thomas ne put résister, et il se surprit à lui aussi sourire. Après tout, c’est Mathieu qui avait raison, autant voir l’aspect comique des choses.

Mathieu s’éloigna de lui pour fouiller dans son sac, qu’il avait posé près de la porte en arrivant, et en sortir un petit pot.

-Qu’est-ce que c’est? interrogea Thomas.

 

Le peintre haussa les épaules.

-Je ne sais pas exactement. C’est Chris qui m’a donné ça. C’est une espèce de pommade, sûrement un truc de grand-mère. En tout cas, il m’a dit que c’était radical!

Thomas aussi un sourcil.

-Radical… Dans quel sens?

Mathieu revint près de lui en riant.

-Dans le sens que ça soigne tout rapidement! Enfin je crois…

Poussant le porte-plume et les feuilles, il s’assit sur la table, face à Thomas qui avait prit place sur la chaise.

-Allez maintenant ferme les yeux et la bouche que je ne t’en mette pas partout.

Thomas obéit. Il n’avait guère envie de goûter à cette potion bizarre. Il entendit Mathieu ôter le couvercle.

Le peintre renifla la pommade. Juste une légère odeur aigre, rien qui ne laisse deviner ce qui pouvait composer ce produit. Il en prit un peu sur le bout des doigts et l’étala sous l’œil de Thomas qui gonflait de plus en plus. Celui-ci sursauta.

-Je t’ai fait mal? Demanda Mathieu, un peu inquiet.

-Non, c’est froid!

-Désolé, mais tu n’as pas le choix.

Thomas laissa échapper un long soupir de dépit.

Tout en appliquant la pommade, Mathieu observait Thomas. Dans quel état était son visage… Et tout ça par sa faute. Il s’était dit que dans sa situation partir était la meilleure chose à faire, mais de voir Thomas se battre ainsi pour qu’il reste l’avait fait changer d’avis. Pourtant dieu sait si les voyages lui manquaient. Eh bien soit, il tenterait de convaincre Thomas de venir avec lui, et il y parviendrait ! Il savait que la plupart du temps, les gens, trompés par son physique, le prenaient pour une pauvre petite chose naïve, innocente et sans défense, mais il avait vécu, il se débrouillait seul depuis plusieurs années maintenant et même s’il avait connu des passes difficiles, il avait toujours mené sa vie comme bon lui semblait. Désormais, il ne l’envisageait plus sans Thomas… Mais puisqu’il n’avait nullement l’intention d’arrêter de voyager, il allait devoir l’emmener avec lui ! C’était aussi simple que ça.

Il sourit, se demandant quelle serait la réaction du jeune homme s’il l’embrassait maintenant. Il avait les yeux fermés et était complètement vulnérable… Mais c’était trop tôt. Mieux valait prendre son temps, ne rien précipiter, ne rien gâcher… Il savait que Thomas tenait à lui au moins autant que lui tenait à Thomas, sa réaction l’avait bien prouvé, et c’était déjà suffisant pour le moment. Même si ces lèvres qui s’offraient ainsi à lui étaient des plus tentantes… Il en avait envie depuis si longtemps… Depuis le tout premier instant où il avait aperçu Thomas chez Chris…

Il se pencha en avant, sa bouche de plus en plus proche de celle de Thomas… Mais l’odeur de pommade frappa ses narines et il recula précipitamment. Finalement, ce n’était sûrement pas le bon moment! L’odeur, sans compter le goût de la préparation risquerait de gâcher ce premier baiser qu’il attendait depuis si longtemps. Il verrait plus tard. Après tout, ils avaient encore le temps.

Mathieu se contenta donc de sourire. Il passa sa main propre dans les cheveux de Thomas

-Tu peux rouvrir les yeux, j’ai fini. Ca n’a pas été trop pénible?

Thomas lui sourit.

-Non, une fois la sensation de froid passée, ça va.

-Tant mieux alors! Maintenant, enlève ta chemise.

Thomas prit un air éberlué qui provoqua une nouvelle crise de rire chez Mathieu.

-Eh bien quoi! Ne fais pas une tête pareille! Je te signale que ces marins ne s’en sont pas pris qu’à ton visage. Je les ai vus te frapper les épaules et le ventre, alors zou, on ne discute pas.

Thomas ronchonna quelque chose comme quoi Mathieu était pire qu’un tyran ou pire qu’une mère et obtempéra. La chemise à l’origine blanche, bien qu’à présent couverte de poussière et de sang, termina sur le sol.

 

Mathieu passa derrière Thomas et couvrant cette fois-ci ses deux mains de crème, lui massa les épaules. Thomas posa la tête entre ses bras sur la table, ferma les yeux et soupira d’aise.

Mathieu prenait son temps, caressant langoureusement les épaules étonnamment musclées de Thomas. La peau était douce sous ses paumes. Il allait et venait de la nuque au-dessous des aisselles, puis descendait sur les côtés avant de remonter le long de la colonne vertébrale. Il sentait Thomas frissonner, sans doute de plaisir, sous ses mains. Aller et venir, encore et encore, le long de ce dos si parfait… A chaque fois aller plus loin, descendre plus bas, jusqu’à atteindre la ceinture, la pousser un peu, pour gagner du terrain, entendre la respiration de Thomas s’accélérer…

Mathieu commençait à se sentir excité. Il décida de pousser le jeu un peu plus loin. Replongeant les doigts dans le petit pot, il étala la crème sur ses paumes et passa les mains sous les bras de Thomas pour atteindre le torse qu’il commença à pareillement masser, le visage posé sur la nuque de son ami.

Le torse de Thomas était presque parfaitement imberbe et Mathieu se délectait d’ainsi le caresser, laissant ses mains danser le long des pectoraux et frôler, comme par inadvertance, les tétons dressés. C’était sans doute le corps le plus à son goût qu’il lui ait été donné de toucher. De toute façon, pensa-t-il, tout en Thomas était plus à son goût que tout ce qui lui avait été donné de toucher. Il descendit les mains sur le ventre dur. La position de Thomas n’était pas des plus pratiques pour lui permettre de bien étaler la crème mais cela était vraiment pour le moment le moindre de ses soucis. Toucher, caresser, voilà ce qui était important.

Les cheveux de Thomas lui chatouillaient un peu le nez mais cela non plus n’importait pas. Il aimait cette chevelure longue et sombre, rêvait d’y passer les mains indéfiniment, la coiffer puis l’emmêler de ses doigts. Respirer son odeur toutes les nuits…

Il descendit les mains jusqu’à la boucle de ceinture de Thomas, glissa les doigts de quelques millimètres à l’intérieur puis se dit que cela était bien suffisant pour le moment. Surtout ne pas trop brusquer les choses…

Il se permit tout de même de remonter jusqu’à la poitrine et de caresser encore un peu, mine de rien, les tétons durcis par l’excitation.

Thomas avait parfaitement conscience que sa position ne facilitait guère la tâche à Mathieu, qu’il aurait dû se mettre en arrière pour pleinement découvrir son torse au lieu de se recroqueviller sur lui-même, mais s’il avait fait cela, il aurait également dû découvrir son visage et Mathieu aurait sans aucun doute remarqué les efforts quasi surhumains qu’il fournissait pour empêcher des soupirs de plaisir de s’échapper de sa bouche.

Ce que lui faisait Mathieu était tout simplement trop. Il se doutait bien que le jeune peintre n’en avait pas conscience, se contentant de lui administrer les meilleurs soins possibles et pourtant pour Thomas, chacun de ses gestes était une douce torture à laquelle il était bien difficile de résister. Certes Mathieu avait bien dû remarquer ses tétons dressés, mais il avait sans doute mis cela sur le compte du froid. Tant qu’il ne remarquait pas l’érection presque douloureuse qui tendait son pantalon…

Thomas aurait eu presque honte de profiter ainsi d’un simple soin pour se laisser toucher par Mathieu, mais c’était quelque chose qu’il voulait tellement. Il sentait le souffle chaud de celui-ci contre sa nuque et n’avait qu’une envie, c’était de se laisser aller en arrière pour s’appuyer contre lui, lui offrir son cou et sa bouche à embrasser, mais dieu sait pour quelle espèce de pervers il serait passé auprès de Mathieu s’il avait fait cela, sans compter qu’avec la tête qu’il devait actuellement se payer, il avait sans doute plus de quoi inspirer la peur que le désir.

Puis, presque comme à regret, les mains de Mathieu quittèrent son corps et d’une voix comme toujours enjouée, il déclara qu’il avait terminé. Thomas relâcha une respiration qu’il retenait depuis déjà un moment et se redressa un peu. Il espérait que son érection se calmerait d’elle même, avant qu’il n’ait à trop bouger et que Mathieu ne risque de la remarquer.

Mathieu referma le petit pot puis se rinça les mains dans la petite vasque d’eau posée dans un coin de la minuscule chambre, avant de le ranger dans son sac, après tout cela pouvait toujours être utile.

Il ne pouvait cesser de sourire. Son petit numéro avait visiblement fait beaucoup d’effet à Thomas, et cela lui faisait très plaisir. Encore une fois, il avait dû se retenir de pousser le jeu plus loin, attendant de voir si Thomas allait enfin prendre une quelconque initiative, mais celui-ci l’avait juste remercié et était resté assis à sa table, à ne rien faire. Mathieu se doutait bien du pourquoi, mais il décida de l’embarrasser un peu plus encore.

-Tu ne vas pas te coucher? Demanda-t-il, le plus innocemment du monde.

Thomas tourna vers lui un regard à la fois étonné et gêné.

-Si, si, je vais y aller… Et toi, où vas-tu dormir? Si tu veux prendre le lit, vas-y.

Mathieu secoua énergiquement la tête.

-Sûrement pas! Tu as plus besoin de repos que moi! J’ai une couverture dans mon sac, je dormirai dessus près de ton poêle et ça ira.

 

Thomas, toujours bloqué sur sa chaise le regardait un peu inquiet.

-Tu es sûr que ça va aller?

-Mais oui, sans problème! J’ai déjà dormi dans des situations bien pires.

-Bon…

Comme à contre cœur Thomas se leva de sa chaise et en trois grandes et rapides enjambés, il était arrivé jusqu’à son lit sur lequel il s’était installé à genoux, tournant le dos à Mathieu. Mais celui-ci, à sa grande satisfaction, avait quand même eu le temps d’apercevoir la toile du pantalon de Thomas tendue entre ses jambes.

L’air de rien, Mathieu sortit sa couverture de son sac et se changea, sans quitter Thomas des yeux. Ce dernier avait rapidement sorti de sous son lit une longue chemise de nuit blanchâtre et l’avait rapidement enfilée avant de retirer son pantalon.

Pudique, pensa avec plaisir Mathieu, qui avait tout de même entrevu pendant quelques instants une fesse blanche

Thomas se coucha, et, avant même d’avoir pu réfléchir à cette soirée si particulière, s’endormit, épuisé par les évènements de la journée et trahi par son corps à bout. Il n’eut même pas le temps de demander à Mathieu s’il était bien installé. Pourtant il avait failli lui proposer de partager le lit avec lui. Mais au dernier moment avait renoncé, se jugeant un peu trop aventureux.

Mathieu se sentait bien. Certes, le sol était un peu dur mais il faisait bon près du poêle et cela lui suffisait. Dire qu’il avait faillit abandonner tout cela… Abandonner Thomas… Son Thomas… Celui-ci s’était très rapidement endormi d’après la respiration régulière qui emplissait la pièce. Mathieu espérait vivement que demain ses blessures se seraient un peu cicatrisées. Il n’aurait jamais imaginé que Thomas agirait de la sorte pour lui. Mais il en était heureux. Thomas… Finalement, sous ses airs d’écrivain blasé c’était un grand timide. Si Mathieu voulait que les choses se fassent rapidement entre eux, il allait devoir prendre les initiatives.

 

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