Tiens, j'ai pas encore de titre! Et pourtant on en est à la partie 4!
Le lendemain matin, Thomas séveilla le corps douloureux des coups de la veille. La pommade que lui avait appliquée Mathieu lui avait certes fait du bien mais il se sentait tout de même en mauvaise forme. Il essaya de bailler mais ses lèvres gonflées l'en empêchèrent. Il avait la vague impression que sil ouvrait la bouche trop grand, celles-ci allaient se rouvrir sans plus de formalité. Il abandonna également lidée de sétirer tant ses muscles lui faisaient mal. Se passant une main sur le visage pour inspecter létat de celui-ci, il scruta la pièce du regard à la recherche de Mathieu. Mais le jeune peintre nétait plus là. Lunique trace quil avait laissée était sa couverture soigneusement pliée près du poêle dont le feu était désormais mort.
Pendant un instant, Thomas paniqua. Et si finalement Mathieu lavait abandonné ? Mais son esprit mit bien vite un terme à cette pensée insensée. Mathieu lui avait promis quil resterait près de lui et Thomas navait aucune raison de ne pas lui faire confiance. De plus, il ne serait pas parti sans sa couverture, cétait absurde ! Il ne devait sans doute pas être loin Peut-être même était-il parti au port pour dessiner un peu. Après tout, il devait être déjà tard daprès la lumière vive qui envahissait la pièce. Décidément la journée de la veille lavait vraiment épuisé et il avait dormi bien plus longtemps quà laccoutumée.
Il allait difficilement se lever lorsque la porte du petit appartement souvrit et que Mathieu, radieux, déboula dans la pièce, un petit pain rond à la main. Le peintre lui sauta pratiquement au cou avant de se raviser et de sasseoir plus calmement à ses côtés sur le lit.
-Je suis content de voir que tu es réveillé !
Thomas ramena en arrière ses longs cheveux quil navait pas eu le temps se démêler le soir précédent.
-Je viens juste douvrir les yeux, murmura-t-il, la gorge enrouée et enflée davoir trop crié. Sa langue était pâteuse et sa bouche le faisait souffrir mais au moins arrivait-il à articuler quelques mots.
Mathieu le regarda dun air peiné.
-Tu es encore mal en point, constata-t-il. Je suis vraiment désolé, cest de ma faute.
Tendrement Thomas posa la main sur la sienne et la serra.
-Ce nest pas grave, croassa-t-il difficilement.
Mathieu éclata de rire.
-Tu as une de ces voix mon pauvre ! Tiens je tai ramené ça pour me faire pardonner, ce nest pas grand chose mais cest tout ce que jai pu acheter.
Et il lui tendit le morceau de pain.
-Ca te servira de petit déjeuner ! Je taurais bien pris un peu de viande comme accompagnement mais je navais vraiment pas les moyens !
Thomas lui sourit autant quil le pouvait et prit le quignon. Mathieu en profita pour se lever, se rendre près de la table faisant office de bureau et servir un verre deau quil ramena à Thomas.
-Ca taidera à faire passer le pain sec ! plaisanta-t-il.
-Merci Mais dis-moi, tu as mangé toi au moins ?
Mathieu haussa les épaules.
-Jai un peu grignoté ! Tu sais je ne suis pas un gros mangeur de toute façon.
Thomas regarda le visage pale et mince de Mathieu. Il ne mourrait sans doute pas de faim mais il ne mangeait pas non plus à tous les repas. Mais cela ne faisait que rajouter quelque chose à son charme fragile qui plaisait tant à Thomas. Ce dernier soupira.
-Tu es sûr que tu nen veux pas un morceau ?
Mathieu secoua énergiquement la tête.
-Oui, oui ! Cest un cadeau ! Mange voyons !
Son estomac commençant à se faire sentir, Thomas voulut croquer dans le croûton. Mais sa bouche enflée l'empêchait douvrir suffisamment la mâchoire pour cela et il ne réussit quà détacher quelques miettes.
Mathieu pouffa et lui prit le pain des mains. Lorsque Thomas le regarda dun air interrogateur, il lui rétorqua malicieusement.
-Laisse-moi taider ! Tu es même trop mal en point pour te nourrir tout seul ! Après tout comme cest ma faute
Il mordit dans le quignon et en détacha un morceau important, puis il le prit entre ses doigts et le porta au niveau des lèvres de Thomas qui le fixait toujours, interloqué.
-Eh bien vas-y, lencouragea Mathieu, mange ! Naie pas peur, je ne suis pas malade voyons !
Thomas secoua la tête. Quel idiot il faisait ! Mathieu cherchait juste à lui rendre service et lui, pervers quil était, il commençait à imaginer des choses
Doucement il attrapa du bout des lèvres le morceau de pain, en évitant soigneusement de frôler de quelque manière que ce soit Mathieu.
Intérieurement le jeune peintre jubilait. Quelle bonne idée il avait eu là dacheter ce morceau de pain ! Cela prenait une tournure à laquelle il navait même pas songé, mais qui finalement savérait des plus intéressantes. Et Thomas qui agissait encore à son encontre comme sil était une jeune vierge effarouchée ! Il allait vraiment devoir le secouer un peu !
Lentement, presque langoureusement, Mathieu détacha du bout des doigts un second morceau de pain, conscient de Thomas qui le dévorait des yeux et le porta de nouveau aux lèvres de lécrivain. Et tout comme la première fois, le jeune homme se contenta de lattraper du bout des lèvres, sans même chercher à tirer profit de la situation.
Mathieu soupira. Il savait quil plaisait à Thomas, sa réaction de la veille lavait suffisamment prouvé, et pourtant il restait encore tellement coincé. Parfois Mathieu en maudissait presque ce physique quasi angélique quil avait tellement les gens le prenaient pour ce quil nétait pas.
Il nourrit encore Thomas de la même façon pendant quelques tours mais jamais lautre ne poussait plus loin le jeu. Finalement, alors quil en était presque au bout du pain, Mathieu détacha un morceau plus petit et lorsque Thomas ouvrit tout doucement la bouche pour le saisir, il glissa le bout de son doigt entre les lèvres enflées quil caressa délicatement. Thomas sursauta, mais plus sous leffet de la surprise que de la douleur. Il avait bien espéré mais jamais imaginé que Mathieu puisse ainsi Ce dernier retira lentement son doigt de la bouche de Thomas et comme si de rien nétait, détacha un autre morceau de pain.
Thomas aurait pu commencer à se poser des questions sur lattitude de Mathieu mais avant quil nen ait eu le temps, le peintre lui présenta un autre morceau de nourriture et cest sans réfléchir que cette fois-ci il prit le pain et la première phalange de Mathieu entre ses lèvres. Ce dernier ne put retenir un petit sourire de satisfaction. Enfin Thomas réagissait à son petit manège.
Thomas coinça par réflexe le morceau de pain quil ne pouvait mâcher au fond dune de ses joues alors que sa langue se mit à caresser tendrement le doigt de son ami. Réalisant soudainement ce quil était en train de faire, Thomas recula la tête et laissa séchapper le doigt de Mathieu qui se renfrogna légèrement.
Baissant la tête presque honteusement, Thomas se dépêcha de mastiquer son pain. Il sétait laissé intoxiquer par la beauté de Mathieu. Dun autre côté lattitude du peintre était bien étrange, cétait comme sil lavait poussé à faire cela. Sétait-il trompé ? Son peintre nétait-il pas lêtre dinnocence et de pureté quil avait imaginé ? Avait-il délibérément agit de la sorte ? Il ne savait plus trop que penser.
Mathieu ne pouvait se retenir de sourire à la vue de Thomas, visiblement assailli de questions et de doutes. Eh bien il se devait de mettre un terme à ses doutes Même sil trouvait cela follement amusant de jouer ainsi avec Thomas. Cétait également la meilleure solution pour que lécrivain sattache vraiment à lui Jouer et le surprendre Et finalement gagner. Oui, semer le trouble dans son esprit et le déstabiliser un peu, voilà une idée qui plaisait véritablement à Mathieu.
Il regarda le morceau de pain quil tenait à la main A peine deux bouchées de croûte un peu trop cuite. Il porta le croûton à sa bouche et mordit dedans, le coupant en deux. Il garda lune des parties au bout de ses lèvres avant de mastiquer lautre et de lavaler.
Près de lui, Thomas le regardait dun air presque inquiet.
Mathieu se retint de rire et le dernier morceau de pain toujours entre les lèvres, il sapprocha de Thomas pour lui présenter. Son ami sembla hésiter un moment, puis fixant les yeux dazur de Mathieu il se rapprocha et saisit le pain, leurs bouches se frôlant au passage.
A ce simple contact, Thomas sentit des frissons de plaisir et dexcitation lui parcourir tout le corps. Lattitude de Mathieu ne lui laissait plus aucun doute. Il le désirait, et peut-être autant que lui le désirait. Thomas voulut approfondir ce début de baiser mais soudainement Mathieu se leva du lit, saisit son sac et le gratifiant de son plus beau et plus angélique sourire, linforma quil allait au port, histoire de se faire un peu dargent.
Avant que Thomas nait eu le temps desquisser le moindre geste ou de dire le moindre mot, la porte de lappartement sétait refermée et Mathieu avait disparu.
Thomas poussa un long soupir en sappuyant contre le mur froid près duquel se trouvait son lit. Quel bien étrange réveil, il avait presque limpression davoir rêvé toute la scène, et pourtant cétait bien la réalité, le dernier morceau de pain quil avait encore à la bouche le prouvait. En souriant dun air presque béat, il mastiqua et lavala avant de faire passer le tout avec une gorgée du verre deau que Mathieu lui avait servi. Le peintre avait vraiment une façon de se comporter des plus étranges Du moins par rapport à ce que sétait imaginé Thomas à son sujet. Il laguichait et puis soudainement sen allait comme sil ne sétait rien passé. Bah, se dit Thomas, il attendrait le soir et le retour de son ami pour voir comment il devait réagir à cela. La façon dont Mathieu se comporterait vis-à-vis de lui En attendant il avait quand même du travail, les aventures du Capitaine Lewis nallaient pas sécrire toutes seules !
Difficilement, il se leva et se rendit jusquà la table où lattendait son manuscrit.
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Thomas nétait pas sorti de la journée, comme cela lui arrivait souvent quand il se plongeait dans son roman, mais il avait tout de même pris la peine de se décrasser un minimum, de démêler ses cheveux embrouillés par deux jours sans coup de brosse et de changer de vêtements, ce qui nétait pas du luxe. Il navait pas oublié, comment laurait-il pu dailleurs, que désormais il partageait sa chambre avec Mathieu et tenait quand même à faire bonne impression à son compagnon. Le reste de son temps, il lavait consacré à lécriture, tentant docculter toutes les pensées le ramenant à Mathieu pour uniquement se concentrer sur son justicier des mers.
Le soir commençait à tomber et il sapprêtait à allumer son bougeoir lorsque la porte de lappartement souvrir et que Mathieu entra, la mine un peu fatiguée mais visiblement heureux dêtre là.
-Je suis rentré, annonça-t-il.
Thomas éclata de rire. Il espérait ainsi cacher le trouble qui lavait assailli lorsque Mathieu était apparu, ravivant les souvenirs de la matinée.
-Je vois ça, répliqua-t-il. La journée à été bonne ?
Mathieu fit une petite moue et sinstalla sur le lit, son sac sur les genoux.
-Jen ai connu des meilleures comme jen ai connu des pires. Jai fait deux portraits. Ce nest pas beaucoup mais ça ma au moins permis de nous acheter le repas de ce soir.
Il ouvrit son sac et en sortir un gros pain et un morceau de lard, soigneusement empaqueté dans un vieux tissu sale.
-Et voilà ! Jespère que tu aimes ! Et toi quas-tu fait aujourdhui ? enchaîna-t-il immédiatement, sans même laisser une chance à Thomas de commenter ses achats.
Thomas lui désigna le petit tas de feuillets soigneusement empilé dans un coin de la table.
-Jai continué à écrire. Javoue avoir bien avancé.
Mathieu bondit du lit pour venir se placer à ses côtés, cherchant à déchiffrer la fine écriture de Thomas.
-Alors le capitaine ordonna à ses hommes de
Précipitamment, Thomas ramassa ses feuilles et le rangea dans le tiroir monté sous la table où il entreposait généralement ses notes.
-Ehhhhh, protesta Mathieu.
-Jai horreur quon lise ce que je fais quand je suis là !
-Mais pourquoi ?
Thomas haussa les épaules.
-Je ne sais pas mais jaime pas ça cest tout !
Mathieu éclata de rire.
-Je suis sûr que tu crains les réactions du lecteur !
Thomas soupira.
-Peut être Je ne sais pas En tout cas je naime pas ça !
-Ce nest pas grave, conclut Mathieu, jespère tout de même que tu me feras lire un jour !
-Bien sûr ! Maintenant mangeons, je meurs de faim !
Les deux garçons sinstallèrent à même le sol, lun en face de lautre et Mathieu disposa la nourriture sur le vieux morceau de tissu. Puis il sortit un petit couteau de son sac et partagea le tout en deux parts équitables. Enfin, il posa sa tranche de lard sur son morceau de pain et mordit dedans avec enthousiasme. De lautre côté, Thomas, lair sombre, lobservait sans broncher. Mathieu saperçut soudainement de son silence et redressa la tête, inquiet.
-Thomas ? Je croyais que tu avais faim ! Ca ne te plait pas ? Thomas ?
Thomas sembla soudainement sortir de sa torpeur et, fixant Mathieu droit dans les yeux, il lui demanda dune voix presque agressive :
-Pourquoi voulais-tu partir ?
Sentant son cur se serrer, Mathieu reposa sa tartine. Il commença à nerveusement jouer avec ses doigts, la tête baissée et le regard évitant soigneusement son ami.
-Je commença-t-il Je suis désolé !
-Cest ce que tu narrêtes pas de me dire ! Mais dis-moi pourquoi ? Pourquoi as-tu voulu mabandonner ?
-Je nai pas voulu tabandonner ! Sécria Mathieu. Je Ca va te sembler parfaitement idiot comme excuse !
Thomas bondit de sa place et, attrapant Mathieu par les épaules, le força à le regarder droit dans les yeux. Mathieu tremblait sous ses doigts, alors il desserra quelque peu son emprise.
-Je veux quand même savoir !
Retenant un sanglot, Mathieu répondit, dune petite voix honteuse.
-Je navais plus dargent. Je ne pouvais plus payer la chambre de Chris. Il me restait à peine de quoi prendre le bateau, et déjà à condition que jaide léquipage dans de petites tâches. Et je ne voulais pas dormir dans la rue Jai donc bêtement pensé que la meilleure solution était de partir mais je me suis trompé.
Thomas caressa doucement son visage.
-Pourquoi tu ne men as pas parlé ? Pourquoi tu es parti sans même me dire au revoir ?
-Je ne voulais pas mimposer à toi ! Je ne voulais pas être un fardeau pour toi ! Et javais tellement peur de te dire au revoir
-Tu ne tes jamais imposé à moi ! Tu nas jamais été un fardeau voyons ! Au contraire
Mathieu posa la tête sur son torse et lencercla tendrement de ses deux bras.
-Je le sais Maintenant.
Le corps de Thomas lui semblait si proche, si chaud Tout particulièrement quand les bras de celui-ci vinrent lenlacer à son tour et que ses mains commencèrent à lui caresser le dos.
-Mathieu, murmura Thomas.
Mathieu sourit.
-Jamais je ne partirai Thomas, jamais sans toi.
Mais sa surprise fut de taille quand à la place dun doux murmure de Thomas il reçut pour réponse un énorme gargouillis. Il sécarta brusquement.
-Thomas ! sexclama-t-il.
Thomas retint un sourire malicieux.
-Je suis désolé Mathieu mais mon ventre nen peut plus on dirait. Maintenant que je sais ce que je voulais savoir et que je suis rassuré, si nous mangions !
Le peintre lui sourit à son tour.
-Bonne idée !
Tous deux reprirent leur place et firent honneur au maigre repas. Puis vint lheure du coucher. Comme la veille Mathieu insista pour dormir par terre, près du poêle. Thomas espérait bien quil viendrait le rejoindre pendant la nuit, après tout le jeune peintre sétait montré des plus entreprenants pour le moment, mais il nosa pas linviter directement dans son lit, et puis dailleurs se dit-il pour se justifier, jai encore mal partout et je commence à peine à cicatriser Jamais il naurait osé savouer sa trop grande timidité avec cet être qui lui était devenu si cher.
Mathieu quant à lui, était bien décidé à un peu laisser traîner le jeu. Il voulait que Thomas se jette sur lui et non linverse. Après tout il avait une réputation dagneau innocent à préserver, même si actuellement elle était fort mal en point. Mais il ne pouvait résister à ces yeux sombres, à cette chevelure si douce et à ce corps superbe. Il soupira. Allez, il allait devoir passer au grand jeu.
Prenant garde à ce que la fenêtre soit derrière lui, laissant apparaître sa silhouette en contre-jour de la lumière de la lune, il commença à se déshabiller. Il avait conscience du regard de Thomas posé sur lui. Celui-ci feignait de dormir mais nen perdait pourtant pas une miette. Doucement et sensuellement, Mathieu retira un à un ses vêtements, prêtant loreille au souffle de Thomas qui saccélérait de plus en plus. Malgré cela, lécrivain nosa pas bouger et cest un peu déçu que Mathieu senroula dans sa couverture et sallongea au coin du feu. Tant pis, cela serait pour une prochaine fois ! Il mit un bon moment à sendormir, excité par son propre manège et mal installé sur le parquet grinçant. Il allait vraiment devoir agir, cest à dire dans le meilleur des cas se faire une place dans le lit de Thomas et dans le pire, ramener un peu de paille pour sen faire un coin plus moelleux !
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Les jours suivants se passèrent à peu près de la même façon. Mathieu allait dessiner et achetait avec ce quil ramenait de quoi les nourrir tous les deux pendant que Thomas restait à la maison à écrire. Les aventures du Capitaine Lloyd Lewis navaient jamais aussi bien avancé, comme si la présence de Mathieu inspirait Thomas de façon incroyable. Celui-ci avait même autorisé le jeune peintre à lire son histoire, non sans angoisse dailleurs. Mais Mathieu ne lui avait encore fait aucun commentaire, prétextant quil préférait lire toute lhistoire avant de se prononcer. Thomas acceptait cela et attendait impatiemment.
Cependant, malgré le plaisir quils avaient à partager ainsi la même chambre, les choses navaient pas avancé entre eux. Jours après jours Mathieu provoquait, par des gestes ou des mots, Thomas mais celui ci nosait pas encore prendre les choses en main.
Parfois, quand elle trouvait un moment de liberté, Adeline venait leur rendre visite, leur portant des nouvelles de Chris ou leur amenant quelque chose à manger. Elle était visiblement très heureuse que Thomas ait retrouvé toute sa joie de vivre mais jamais elle nimposait trop sa présence, la pensée de ces deux hommes vivant sous le même toit la mettant tout de même mal à laise.
Un soir, Mathieu revint avec, en plus du traditionnel repas, une grande toile rectangulaire blanche quil avait peine à porter seul et à faire passer dans lescalier et du matériel de peinture flambant neuf. Il exposa la toile contre lun des murs de la chambre, celle-ci couvrant à elle seule une bonne partie du mur moisi. Thomas regarda le tout pendant quelques minutes, un peu sceptique et étonné, puis levant un sourcil demanda :
-Quest-ce que tu vas faire de tout ça ?
Comme à son habitude, Mathieu éclata de rire.
-Que veux-tu que jen fasse ? Je vais peindre, évidemment !
Thomas fit quelques pas pour inspecter limmense toile. Du beau matériel Quelle idée avait encore traversé lesprit de son cher peintre ? Il se tourna vers lui et, presque abasourdi, lui demanda :
-Mais Quest-ce que tu vas peintre là-dessus ?
Mathieu lui décocha son sourire le plus rayonnant.
-Jai décroché une grosse affaire cette après midi !
Il sortit de son sac une bouteille de vin.
-Mais Mathieu !
-Eh bien quoi ? Il faut quand même fêter ça !
Thomas sassit sur son lit et éclata de rire.
-Tu es incroyable ! Jespère que tu as au moins prévu de quoi louvrir !
Mathieu arrêta immédiatement de sourire et ses joues prirent une superbe couleur rouge.
-Ben non ! Je croyais que tu avais ce quil fallait ! Enfin je veux dire, cest quand même un minimum, non ?
Thomas le regarda en riant.
-Quand on a les moyens oui mais pour moi non ! Tant pis, nous louvrirons autrement !
Tous deux passèrent les quelques minutes suivantes à la recherche dun objet pouvant faire office de tire-bouchon mais sans succès.
-Et si on demandait à un de tes voisins ? proposa soudainement Mathieu.
Thomas secoua énergiquement la tête.
-Cest hors de question ! Ce sont tous des vieux cons ! Ils ne maiment pas beaucoup et cest réciproque.
-Ben pourquoi ? demanda Mathieu, un peu étonné.
Thomas haussa les épaules.
-Dans ce type dimmeuble, personne ne fait confiance à personne ! Les autres, tous des voleurs !
Mathieu éclata de rire.
-Quelle mentalité ! En tout cas, ce nest pas ça qui va nous aider à ouvrir notre bouteille !
Après quelques minutes de recherches supplémentaires, Thomas finit par trouver, dans un petit tas de matériels divers de récupération quil avait laissé traîner dans un coin depuis longtemps déjà, une tige de métal qui pourrait sans doute, bien utilisée, ouvrir cette maudite bouteille.
-Comment on fait ? interrogea Mathieu, visiblement peu doué pour le bricolage.
-On fait un trou dans le bouchon avec la tige, après on la recourbe un peu, on la rentre dans le trou, on accroche le bas du bouchon, on tire et ca souvre !
-Tu es génial ! sexclama Mathieu, enthousiasmé par lidée.
Les premières phases de lopération se passèrent sans difficulté, mais quand vint le moment de tirer, les choses se compliquèrent. Thomas dut tordre la tige en tout sens pour obtenir une prise suffisante tandis que Mathieu tenait aussi fort quil le pouvait la bouteille. Au bout de longues et éprouvantes minutes, le bouchon sauta enfin. Thomas, les mains douloureuses, se laissa tomber sur le sol.
-Je nen peux plus ! sécria-t-il.
-Bois un coup ça ira mieux, lui proposa Mathieu en remplissant deux gobelets de terre cuite de liquide rouge.
Il sassit face à Thomas, la bouteille entre eux deux, et lui tendit un verre. Celui-ci le prit et il trinquèrent.
-A quoi buvons-nous ? Demanda Mathieu.
-Et bien à ton gros contrat ! Proposa Thomas.
-Et à notre vie commune, renchérit Mathieu, avec un sourire malicieux.
Thomas lui sourit tendrement.
-A notre vie commune, murmura-t-il.
Et leurs verres sentrechoquèrent. Tous deux portèrent leur verre à leurs lèvres et goûtèrent le vin. Il était fort et piquant, un vin de bien mauvaise qualité, mais cela les changeait tout de même de leur eau boueuse. Après quelques minutes de silence où ils se contentèrent de sobserver lun lautre, un sourire au coin des lèvres, Thomas demanda :
-Mathieu ?
-Oui ? interrogea celui-ci, dune voix très calme, comme sil était tiré dune longe rêverie.
-En quoi consiste ta grosse affaire ?
-Cest un bourgeois qui a vu ce que je faisais, ça lui a bien plu et il ma commandé une toile. Il ma pour linstant payé de quoi acheter le matériel mais je recevrai bien plus à la livraison du tableau.
-Et le tableau il représente quoi ?
Mathieu rougit légèrement avant de répondre :
-Un nu.
-Oh, se contenta de commenter Thomas.
-Dailleurs à ce sujet commença Mathieu.
-Oui ?
-Jaurai besoin dun modèle, de quelquun qui pose pour moi. Représenter le corps humain cest ce quil y a de plus difficile.
Thomas haussa les épaules.
-Si tu veux faire venir quelquun à la maison pour poser, il ny a aucun problème ! Je ne veux pas de bruit pendant que jécris, cest tout.
-Ah non ça nest pas du tout ça, sagita Mathieu.
-De quoi alors ?
-Eh bien
Mathieu fit une pause avant de prendre son courage à deux mains et de demander :
-Jaimerai que mon modèle ce soit toi ! Thomas, est-ce que tu accepterais de poser nu pour moi ?
Thomas manqua de sétrangler avec la gorgée de vin quil était en train davaler