Seconde Partie (et toujours pas de titre!!!)
Thomas garda le silence pendant quelques secondes, tentant de remettre un peu dordre dans ses pensées. Le moins que lon pouvait dire, cétait quil ne sétait pas attendu à quelque chose de tel. En face de lui, celui qui avait dit sappeler Mathieu, le regardait, avec un sourire rayonnant. Enfin, il put articuler quelques mots.
-Mon portrait ?
Le jeune homme ouvrit son carton à dessin et en sortit quelques croquis quil tendit à Thomas. Ce dernier les observa minutieusement, le souffle coupé par un tel talent. Quil sagisse de paysage ou de portrait, le peintre avait su leur donner une émotion assez rare et touchante.
-Vous savez, poursuivit Mathieu, je nai pas véritablement de sujet de prédilection. Je dessine ce qui attire mon attention, et ça a été votre cas. Bien sûr, si vous refusez, je le comprendrais parfaitement, mais je serai plutôt déçu.
Thomas rendit les dessins à leur propriétaire. Il se sentait fort flatté quun tel artiste sintéresse à lui et pourtant la présence de ce jeune homme le mettait étrangement mal à laise, comme il lavait été quelques semaines auparavant en compagnie du capitaine Lewis, et pourtant on ne pouvait être plus opposé que ces deux là.
-Mais... balbutia doucement Thomas, Je... Enfin, jaime beaucoup ce que vous faites et je serais ravi que vous fassiez mon portrait mais, je nai pas dargent pour vous payer.
Mathieu lui sourit une nouvelle fois, comme sil sapprêtait à lui expliquer que largent navait aucune espèce dimportance, quand la voix dAdeline les interrompit.
-Moi je paierai, si on me donne ce portrait.
Etonnés, les deux hommes tournèrent la tête. La serveuse se tenait devant eux, les yeux baissés et les joues rougissantes. Elle avait parlé dune voix timide et peu audible.
-Adeline, que dis-tu ! sexclama Thomas.
Adeline rougit de plus belle, puis elle se tourna vers Mathieu.
-Vous devez plusieurs nuits de loyer à notre établissement et mon père est sur le point de vous mettre à la porte. Vous auriez été dans nimporte quelle autre auberge quon vous aurait déjà passé à tabac, alors sil vous plait, si vous réalisez un portrait de Thomas et que vous me le donnez, je ferai en sorte quil passe léponge sur votre dette.
Ce fut au tour de Mathieu de rougir.
-Et bien ça me gêne beaucoup. Je vous ai dit que je trouverai le moyen de payer et je le ferai mais, payer comme ça avec un dessin, je me sentirai mal à laise. Je ne suis pas un voleur vous savez et...
-Faites ce portrait, le coupa Thomas.
Il était parfaitement placé pour savoir que Chris était plus que généreux avec les jeunes artistes en difficulté, mais il savait également que sa patience avait des limites. Et il ne voulait pas que Mathieu ait des ennuis. Certes il savait quun dessin ne rembourserait jamais les nuits et les repas consommés par le jeune peintre, mais cela était déjà mieux que rien. De plus, il savait parfaitement ce que ressentait Adeline pour lui et à quel point elle serait ravie de posséder un portrait, et cela lui permettrait aussi de mieux faire connaissance avec ce jeune homme à lallure dange et au talent si incroyable. Cette solution semblait satisfaire toutes les parties alors autant lappliquer.
Mathieu lui sourit et sortit de son carton une feuille vierge. Dans son vieux sac, il prit un morceau de fusain. Adeline, ayant encore quelques clients à servir sexcusa et les laissa.
Thomas ne sentait extrêmement gêné. Depuis maintenant plusieurs longues minutes, Mathieu, impassible, le scrutait, ses yeux rendus immenses par ses lunettes. Il ne savait que faire, sil devait bouger ou prendre une pose quelconque. Dieu que cétait angoissant dêtre là à ne rien faire avec le regard dun autre, et quel autre, posé sur vous.
Puis, sans que rien ne le laisse présager, Mathieu sortit de sa transe. Il attrapa son fusain et avec de petits gestes rapides, il commença à couvrir sa feuille de traits sombres. Thomas était sceptique. Mathieu lui donnait vraiment limpression de gribouiller plutôt que de réellement dessiner. Etait-ce vraiment lui qui avait réalisé les croquis quil lui avait montré ? Mais il avait lair si concentré dans son travail...
Enfin, au bout de quelques minutes, le peintre releva la tête, lui sourit et lui tendit la feuille, visiblement très satisfait de ce quil venait de réaliser. Une nouvelle fois, Thomas se retrouva abasourdi. Cétait effectivement bien lui sur ce portrait, mais un lui sublimé et superbe, une version idéale de ce quil était.
-Cest... Très beau, murmura-t-il, en se sentant complètement idiot.
Mathieu éclata de rire.
-Avec un modèle pareil, ça ne pouvait quêtre beau, répondit-il malicieusement.
Thomas ne releva pas la remarque, trop occupé à penser à ce que pourrait donner un portrait du capitaine Lewis par Mathieu... Mais il mis rapidement fin à cette idée. Le capitaine Lewis lavait beaucoup trop obsédé au cours des dernières semaines et cela lui avait fait plus de tort quautre chose. Il devait sen détacher pour en acquérir une vision plus objective, comme lui avait fait comprendre Chris, même si cela allait savérer difficile.
Mais il sentait quil pouvait, grâce à Mathieu, sortir de son isolement. Il avait enfin rencontré quelquun de son age avec apparemment une grande sensibilité et avec qui il allait pouvoir discuter. Certes, il ne le connaissait que depuis peu de temps mais il ne pouvait logiquement pas en être autrement pour lui.
La voix de Mathieu linterrompit.
-Mademoiselle Adeline ! Mademoiselle Adeline ! appelaitil.
Adeline se précipita vers eux, apparemment impatiente dadmirer le résultat.
Fièrement, Mathieu lui tendit le dessin. Comme cétait à prévoir, Adeline ouvrit de grands yeux pleins dadmiration.
-Cest fantastique ! sexclama-t-elle.
-Merci.
-Cest même trop beau pour pouvoir être Thomas, plaisanta-t-elle.
Thomas, qui ne se serait jamais attendu à ce que la timide Adeline se laisse aller à le taquiner fut un peu pris au dépourvu mais répliqua tout de même.
-Ah ben je te remercie ! Ca fait plaisir. Dis tout de suite que tu me trouves laid !
Mathieu éclata de rire.
-Je crois quelle serait dune mauvaise foi extrême si elle osait affirmer une telle chose.
Adeline rougit et serra précieusement le dessin contre elle.
-Bon, rappela-t-elle, cela mérite bien que jaille parler à mon père au sujet de votre note.
-Et pour cette nuit ? lui demanda-t-il, visiblement honteux davoir à jouer les mendiants.
Thomas fut sur le point de lui proposer de venir chez lui mais sen abstînt. Cela ferait trop mauvais genre et en plus, il navait pas envie que Mathieu voit limmeuble sordide dans lequel il vivait.
-Je pense que ça doit pouvoir sarranger, lui répondit la serveuse.
-Merci. Mais je vous jure que dès demain jaurai du travail et de quoi payer ma chambre pour les jours à venir !
Adeline lui sourit avec indulgence. Le jeune peintre lui répétait sans doute cela tous les soirs depuis son arrivée.
-La vie nest pas facile, constata Thomas, lui même un peu amer.
Mathieu lui jeta un sourire éclatant.
-Cest vrai mais cest ce qui en fait tout lintérêt ! Je vais bien finir par vendre un ou deux dessins tout de même ! Je parviens toujours à men sortir !
-Vous êtes en ville depuis longtemps ?
-Une semaine environ. Et je pense repartir dans deux ou trois semaines. Je ne reste jamais au même endroit bien longtemps.
Thomas le regarda, étonné et en même temps paniqué.
-Mais pourquoi ?
Le regard du peintre se fit rêveur.
-Jaime découvrir de nouveaux lieux, de nouveaux gens. Les voyages me semblent une chose indispensable à tout artiste. Ils permettent de souvrir lesprit et...
Adeline vint de nouveau les trouver, coupant Mathieu au beau milieu de ses pensées.
-Nous allons fermer. Thomas, tu ferais bien dy aller si tu ne veux pas passer la nuit ici.
Surpris, Thomas scruta le bar du regard et constata quexcepté ceux louant une chambre, tous les clients étaient déjà partis.
-Oh je ne métais pas aperçu quil était aussi tard. Je ferais mieux dy aller.
Il se leva et jeta un dernier regard à Mathieu.
-Bon, et bien à bientôt peut être.
Il lespérait de tout son cur.
-A bientôt !
Adeline le raccompagna jusquà la porte dentrée et lui tendit un petit paquet.
-Quest-ce que cest ? interrogea Thomas.
-Ton manuscrit. Papa voulait le jeter au feu mais je len ai empêché. Je suis sûre que si tu le retravailles, tu peux vraiment en faire quelque chose de bien.
-Merci, répondit-il, sincèrement touché.
Même sil avait décidé de moins se consacrer à son uvre, il aurait été vraiment furieux que tous les passages déjà écrits aient été brûlés. Décidément, Chris ne ferait jamais dans la délicatesse. Il faudrait un jour quil pense à vraiment remercier Adeline pour être quelquun daussi exceptionnel.
Lorsquil se réveilla le lendemain matin, il constata avec surprise que pour la première fois depuis des semaines, il navait pas rêvé du capitaine Lloyd Lewis mais dun ange blond aux yeux noisettes.
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En quelques jours, Thomas avait intégralement relu ce quil avait écrit à propos du capitaine Lewis et il ne voyait vraiment pas ce que Chris pouvait avoir à lui reprocher. Certes, son héros était un peu trop parfait mais cétait justement ce qui le rendait si fabuleux.
Il poussa un profond soupir et rejeta la tête en arrière, fixant le plafond décrépi. Décidément, il nétait pas simple de gérer ses émotions. Autrefois, après la disparition de ses parents, il avait cru y parvenir et sêtre blindé contre tous les coups du sort, mais il devait désormais admettre quil sétait lourdement trompé. Lloyd Lewis et Mathieu Tournier. Deux rencontres inattendues qui avaient changé sa façon de percevoir le monde. Deux êtres dont les noms se bousculaient maintenant dans sa tête. Certes, ils navaient rien en commun mais tous deux étaient à leur façon attirants. Lun était sombre, charismatique et mystérieux, lautre était angélique, ouvert et charmant. Deux hommes quil navait vu que quelques heures mais qui lavaient marqué à jamais.
Pourtant, la différence la plus importante désormais pour Thomas était que Mathieu se trouvait encore en ville alors que le Capitaine Lloyd devait être à lautre bout du monde, et pour lui nétait plus présent que dans de petits feuillets dun roman encore inachevé.
Dun bond il se leva de sa chaise et sélança vers le port.
Il neut pas trop de mal à retrouver Mathieu qui, comme à son habitude, sétait installé au bord du quai et interpellait jolies dames et beaux messieurs, bref, tous ceux éventuellement intéressés par un portrait. Et quand il navait pas de clients, ce qui était le cas la plupart du temps, il esquissait les bateaux ou les maisons du port.
Il sembla ravi de voir Thomas arriver. Tous deux se retrouvaient souvent le soir chez Chris et avaient de longues discussions... Enfin cétait plutôt Thomas qui écoutait Mathieu lui parler de ses rencontres de la journée ou des portraits quil avait réalisés, mais cela lui convenait tout à fait. Il navait de toute façon pas grand chose à dire et ne se sentait pas encore prêt à lui raconter les aventures du capitaine Lewis pour lesquelles il commençait à avoir de nouvelles idées, encore meilleures que tout ce quil avait pu écrire auparavant.
-Thomas ! appela Mathieu en lui faisant de grands gestes de la main.
Thomas rougit un peu en sentant le regard des passants se poser sur lui. Mathieu était toujours tellement enthousiaste et si peu discret.
-Et bien alors, je croyais que tu devais passer ton après midi à écrire !
Lorsque Thomas avait appris à Mathieu quil était écrivain, le jeune homme cétait
immédiatement enthousiasmé. Il avait vraiment trouvé cela passionnant et avait exigé de Thomas quil lui fasse lire quelque chose mais ce dernier avait refusé. Pourtant, Mathieu ne sen était pas offusqué et avait déclaré quil attendrait le temps quil faudrait pour que Thomas se sente suffisamment en confiance.
Cétait aussi pour toute cette délicatesse que Thomas appréciait tant Mathieu.
-Finalement, répondit-il, je nétais pas très inspiré, alors je me suis dit quune petite promenade me ferait le plus grand bien alors me voilà.
-Jen suis bien content !
Thomas se demanda alors sil avait déjà vu Mathieu dans un autre état que " content " et conclue que ce nétait pas le cas.
-Et toi, demanda-t-il à son tour, comment vont les affaires ?
-Pas terrible, répondit-il avec une petite moue. A croire que les gens naiment pas leur tête. Jai assez bien vendu il y a deux ou trois jours mais en ce moment plus rien.
Il poussa un long soupir et pourtant ne parut pas se défaire de son air enjoué.
-Enfin bon, les choses iront mieux demain !
Thomas ne put retenir un sourire. La bonne humeur et loptimisme de Mathieu étaient vraiment communicatif.
-Dis-moi, continua Mathieu, ça te dirait quon fasse un petit tour sur le quai ?
-Mais, et ton travail ?
Mathieu haussa les épaules.
-La chance nest pas avec moi aujourdhui alors autant ne pas insister !
-Alors allons-y, concéda Thomas.
Il regarda le jeune peintre ranger son matériel, un sourire béat étirant toujours ses lèvres.
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Ils marchèrent un petit moment, côte à côte, se contentant de humer lair frais qui montait de la mer, et dapprécier la compagnie de lautre. Bizarrement pour cette heure de la journée, le port était étrangement calme, comme si tous sétaient retirés. Seuls le bruit des vagues et les cris des mouettes troublaient le silence.
Cela faisait longtemps que Thomas navait pas été aussi heureux, enfin dans la réalité et non dans son monde de papier. Il savourait cet instant simple, passé en compagnie dun être qui lui était cher, très cher, réalisa-t-il alors.
Il se sentait prêt à prendre la main délicate de Mathieu dans la sienne mais se retint. Cela aurait été trop vite, trop tôt. Il ne voulait pas brusquer les choses entre eux et risquer de tout gâcher. Pour linstant, le simple fait de lavoir à ses côtés lui suffisait. Il en arrivait même parfois à en oublier le manque causé par le départ du capitaine Lewis.
Il ne put retenir un soupir amer. Pourquoi alors quil pensait être heureux fallait-il que le souvenir du capitaine revienne le hanter et lui déchire le cur ? Narriverait-il jamais à loublier.
Il jeta un regard à Mathieu qui avait fermé les yeux et marchait le nez en lair.
Et bien soit, il noublierait pas Lloyd, il continuerait à vivre à travers sa plume, mais Mathieu avait aussi pris une place prépondérante dans sa vie. Il allait devoir concilier le tout mais il sen sentait parfaitement capable. Il était fort probable quil ne revoit jamais son cher capitaine alors pourquoi vivre à travers un fantôme quil avait à peine connu.
Le bras de Mathieu se glissa sous le sien et il le regarda interloqué. Comme toujours le jeune peintre lui souriait.
-Thomas, tu as lair soucieux, quelque chose ne va pas ?
Thomas lui sourit à son tour.
-Non, ce nest rien. Je pensais à... Des choses, mais cest le passé, ça na plus lieu dêtre.
Mathieu hocha la tête, et lentraîna plus loin encore, jusquau bout de la jetée. Malgré toutes ses bonnes résolutions, Thomas ne put retenir un frisson quand il passa devant lendroit où autrefois avait été amarré le bateau du capitaine.
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Le soir, ils étaient allés dîner comme toujours chez Chris, Thomas, avec le peu dargent quil lui restait, soccupant de la note. Mais au cours de la soirée, la salle sétait vite retrouvée pleine, bruyante et enfumée. Mathieu avait alors traîné Thomas sur le quai et comme plus tôt dans laprès midi, ils avaient marché jusquau bout de la jetée. Ils sétaient assis sur les rochers et à la lueur des étoiles avaient regardé les bateaux passer.
Thomas naimait pas la mer et les bateaux. Sil venait souvent traîner dans le port, cétait bien pour les rencontres quon y faisait. Mais prendre le large ne lavait jamais intéressé. Mathieu, au contraire, était un passionné. Il pouvait rester des heures entières assis là, simplement à observer les gracieuses embarcations aux voiles blanches disparaître au loin, la où ciel et mer se rejoignent. Même sil navait jamais vraiment parlé de son passé, Thomas avait vite compris que Mathieu nen était pas à sa première escale et quil avait déjà parcouru un sacré chemin avant darriver jusquici. Et il navait quune angoisse, cest quil parte à nouveau. Il avait déjà laissé partir Lloyd, il ne laisserait pas Mathieu le quitter.
Il fixa longuement les eaux argentées par le reflet de la lune en humant lair frais du printemps naissant et en se demandant quelle serait sa réaction si Mathieu lui annonçait un jour quil avait lintention de repartir. Len empêcherait-il ou partirait-il avec lui ? Dans tous les cas, il ne se séparerait pas.
-Thomas ?
Thomas sursauta et tourna la tête vers Mathieu.
-Oui ?
Mathieu lui désigna le carton à dessin dont il ne se séparait jamais.
-Ca te dirait que je fasse un nouveau portrait de toi ?
-Mais pourquoi ? demanda-t-il surpris.
Le peintre éclata de rire.
-Parce que jen ai envie, voilà tout !
-Si tu veux, répondit Thomas en laissant échapper un sourire.
Cette fois-ci, et à son plus grand soulagement, Mathieu ne le dévisagea pas et entama immédiatement son uvre, se contentant de jeter de temps à autre un petit coup dil. Au bout de quelques minutes seulement, il avait terminé, et le résultat était encore plus beau que la première fois.
-Tu as fait vite ! constata Thomas.
-Cest parce que maintenant, je connais ton visage par cur...
Sur le dessin, Thomas arborait un air vaguement triste et mélancolique, comme celui que lon adopte lorsquon fixe locéan.
-Pourquoi ai-je lair si triste ?
Mathieu ne le regarda pas quand il répondit.
-Je suppose que... Rien, cest venu comme ça.
La voix de Mathieu avait perdu toute sa gaieté.
-Mathieu ?
-Oui ?
-Ca na pas lair daller.
Mathieu sétira, levant ses bras délicats le plus haut possible vers le ciel. Puis il récupéra le dessin, resté dans les mains de Thomas.
-Tu permets que je le garde ? demanda-t-il.
-Oui, bien sûr. Après tout tu en es lauteur.
Le peintre lui sourit. Létrange mélancolie qui paraissait lavoir frappé quelques instants auparavant sétait évaporé. Thomas frissonna, mais il ne put dire si cétait à cause du mauvais pressentiment quil avait ou de la température qui baissait considérablement à cette heure tardive de la nuit.
Soudainement Mathieu se leva.
-Je ferais mieux dy aller, déclara-t-il.
-Où ça ? interroge Thomas en paniquant.
Mathieu ouvrit de grands yeux ronds derrière ses lunettes.
-Mais à lauberge bien sûr ! Je naimerais pas quils ferment avant mon retour !
Thomas porta une main à son front en se traitant dimbécile. Quest-ce quil allait imaginer là !
-Tu as raison, répondit-il, je te ramène.
Mathieu lui sourit et lui tendit la main pour laider à se relever.
La main de Mathieu était chaude et douce dans la sienne et même lorsquil remontèrent le port, Thomas ne la lâcha pas. De toute façon, à cette heure-ci il ny avait personne pour leur chercher querelle ou alors ils étaient bien trop souls pour les inquiéter.
A ses côtés, Mathieu paraissait dun calme extrême, comme si ce qui était en train darriver était tout à fait naturel, mais Thomas lui se sentait nerveux. Il ne savait pas trop comment gérer cela, il nétait pas habitué aux véritables relations, nayant connu que des histoires sans lendemain.
Enfin, trop tôt à son goût, ils arrivèrent à lauberge. Elle était presque plongée dans le noir à lexception dune petite bougie qui permettait dapercevoir Chris en train de passer le balai dans la salle principale. Ils arrivaient juste à temps. Mathieu se raidit près de lui, comme si sa quiétude sétait envolée, laissant place à une légère gêne, voire à une légère angoisse.
-Bien, commença-t-il, je suppose quon doit se dire au revoir.
-Je le suppose aussi, répondis Thomas dans un souffle.
-Alors au revoir.
Mais ni lun ni lautre ne bougea. Ils étaient comme pétrifiés. Ils restèrent ainsi côte à côte un long moment, même si aucun naurait pu dire exactement combien de temps. Finalement, la lueur de la bougie séteignit et Mathieu dû réagir.
-Je dois vraiment y aller, murmura-t-il.
Thomas se contenta de hocher la tête. Cest alors que contre toute attente, Mathieu le prit dans ses bras et le serra fort contre lui, blottissant son visage contre son cou. Avant que Thomas nait pu lui rendre son étreinte, Mathieu lavait relâché et frappait à la porte pour que Chris vienne lui ouvrir avant de se coucher.
Le barman les regarda en bougonnant, puis fit entrer Mathieu.
-Dépêche-toi, cétait de justesse.
-Je sais, excusez-moi, répondit-il.
Thomas le suivit du regard, sentant encore sa chaleur contre son corps, et son cur battant dans sa poitrine jusquà lui faire mal.
-Mathieu, appela-t-il avant que la porte ne se referme pour la nuit.
Le peintre se retourna.
-A demain, murmura tendrement Thomas.
Mathieu lui sourit et pourtant Thomas aurait juré voir des larmes briller dans son regard.
Sans doute un jeu de lumière, pensa-t-il.
Puis la porte se referma.