Chapitre 7

 

 

Ils se trouvaient à présent tous dans la salle du trône devenue pour l’occasion une salle de bals. Seules quelques torches avaient été allumées ça et là de façon à préserver l’ambiance d’intimité malgré les très nombreux invités. Sur une scène dressée au fond de la salle jouaient quelques musiciens. Sur une estrade à quelques pas de là se trouvaient Tentai, Ashura-ô et Kisshoten. Au centre était placée la piste de danse, gorgée de corps s’agitant au rythme des notes. Enfin, sur les côtés avaient été installées des tables entre lesquels slalomaient des serviteurs débordés.

C’est à l’une de ces tables, à l’écart et dans la pénombre qu’avaient pris place Zochoten, Komokuten, Bishamonten, Vayue et Taishakuten.

-Bon alors, qu’est-ce qu’on fait ? se lamenta Komoku.

-On se bourre la gueule et on attend que le temps passe, lui répondit Zocho en portant un verre de bière à ses lèvres.

-Je croyais que vous aviez prévu de vous trouver des filles pour la nuit ? interrogea Vayue, qui avait profité de l’obscurité ambiante pour reposer la main sur la cuisse de Taishaku, jusqu’à présent étrangement silencieux.

-Eux oui, répondit Zocho en montrant de la tête Komoku et Bishamon, moi non.

-Arrête de te la jouer vieux célibataire endurci, le taquina Vayue.

-Mais je SUIS un vieux célibataire endurci ! ! ! !

-Zochoten, appela alors une petite voix.

Les cinq hommes se tournèrent vers l’origine de l’appel. Devant eux se trouvait une toute petite fille blonde aux grands yeux bleus.

-Qu’est ce que tu veux ma puce, demanda Zocho en faisant grimper la petite sur ses genoux.

-Papa ne veut pas m’apprendre à me battre à l’épée ! ! ! !

-Oh, le méchant papa, lâcha Komoku.

La petite lui décocha un regard sévère.

-Je te cause pas à toi !

Puis en se tournant à nouveau vers Zocho.

-Tu voudrais pas m’apprendre ? Allez, s’il te plaît soit gentil ! ! ! !

-Je ne sais pas... Tu es encore bien petite pour jouer avec une épée....

-S’il te plaît.....

-Et puis si je fais ça ton papa va m’en vouloir....

-Zo..snif...zocho...snif...s’il te plaît....

-Bon d’accord. Viens me trouver demain et je t’apprendrai quelques trucs ! !

-Oh, merci ! ! ! Merci ! ! !

Et elle se pendit à son cou et lui fit un gros smack sur la joue.

-Allez maintenant, reprit Zocho en posant la petite par terre. Au dodo ! ! Sinon ton papa ne va pas être content.

Elle lui adressa un grand sourire et disparut dans la foule en trottinant.

-Qu’elle est mignonne ! s’exclama Bishamon.

-En tout cas, fit remarquer Komoku, encore vexé de s’être fait moucher par une gamine, elle a déjà un sacré caractère...

-C’est Karinia, la fille de Karura-ô, leur expliqua Zochoten. C’est elle qui sera amenée à diriger son peuple dans les siècles à venir. Nul doute quelle sera une grande reine.

-Et d’où tu la connais ? questionna Vayue.

-Ah, j’aime beaucoup les enfants mais je n’ai pas la chance d’en avoir moi-même, alors je vais souvent jouer avec ceux des autres ! !

-C’est peut être parce que tu les aimes beaucoup que tu n’as pas la chance d’en avoir toi même, insinua Komoku.

-Garde ton humour déplacé pour toi ! Mais c’est vrai que cette petite est vraiment adorable...

 

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Taishaku se forçait à suivre la conversation, mais rien à faire, il n’était pas dedans. Malgré ses bonnes résolutions, son regard ne cessait d’être attiré vers l’estrade sur laquelle Ashura-ô discutait avec Tentai.

Non, pensa-t-il, je ne dois pas le regarder, ça ne m’apportera rien de bon.... Il n’a que faire de moi et je ne peux pas me permettre d’agir de la sorte. Vayue... Vayue est bien suffisant.

Il avait laissé le dieu du vent se coller à lui une nouvelle fois mais il se sentait de plus en plus mal à l’aise....

 

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-Bon, on fait quoi ? se plaignit une nouvelle fois Komoku.

La musique s’était arrêtée quelques minutes le temps de changer de musiciens et de laisser les danseurs reprendre leur souffle.

-T’as pas fini, le rembarra Zocho. On dirait un gamin. Va draguer et fous-nous la paix.

-Mais je voudrais bien moi... Mais y’a rien qui me plaît ! ! ! Et puis je suis le seul à vouloir aborder de charmantes demoiselles depuis que Bishamon s’est mis à fantasmer sur la princesse.

-QUOI ? s’exclama l’intéressé. Je ne fantasme pas sur la princesse ! ! !

-Tu imagines peut être que l’on n’a rien vu ! ! ! ! ! ! !

-Allez... occupez-vous de ce qui vous regarde.....

Bishamonten devint aussi silencieux que Taishaku...

Pendant ce temps, une nouvelle troupe de musicien, dirigée par une jeune chanteuse aux cheveux noirs, venait d’entrée sur scène.

Komokuten se figea.

-Ca y est, je suis amoureux, murmura-t-il.

-Décidément, c’est la journée, marmonna Zocho. D’abord Bishamon, puis toi.

Et moi, releva mentalement Taishaku.

-Mouais, elle est pas mal, concéda Zocho. Attendons de voir comment elle chante.

-Une beauté comme elle ne peut avoir que la voix d’une divinité...

Lorsqu’elle poussa ses premières notes, tous, sauf bien évidement Komoku, éclatèrent de rire.

 

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Ashura-ô était agacé. Tentai ne cessait de le harceler avec ‘au combien cette fête était une réussite’ (Ben c’est bon on a compris maintenant, pensait-il). Il était fatigué, il avait mal au crâne, et la voix nasillarde de cette nouvelle chanteuse ne faisait franchement rien pour arranger les choses. Et surtout...surtout... il ne parvenait pas dans toute cette obscurité à retrouver Taishakuten. Non pas que cela soit une grande perte, tentait-il de se persuader, mais tout de même, il aurait bien aimé apercevoir le dieu de la foudre, juste pour au moins essayer de comprendre pourquoi il avait eu une telle réaction à son égard.

C’est n’importe quoi, se dit-il, je deviens complètement fou..... Et si elle pouvait se taire celle là, rajouta-t-il en jetant un regard furieux à la demoiselle sur scène.

Si le Raijin avait été sur une estrade pleinement éclairée comme lui-même l’était, il n’aurait eu aucun mal à l’identifier.... Mais ce n’était pas le cas. Là, exposé à la vue de tous, il se sentait encore plus mal à l’aise, comme s’il était une proie qui ne pouvait discerner les ennemis qui l’entouraient, cachés dans l’obscurité.

CA SUFFIT ! pensa-t-il.

Il se réinstalla plus confortablement dans son fauteuil et ferma les yeux quelques instants. C’est alors que lui apparurent des images... très fugaces. Taishakuten... en armure... combattant...quelqu’un. Mais la vision disparut avant qu’il ait eu le temps d’identifier l’adversaire du Raijin... Cependant....il lui avait semblé...non, c’était impossible.... et pourtant...Cet être paraissait avoir des oreilles pointues... Tout comme lui...Mais ce n’était pas lui... Alors qui ? ? ?

Je deviens fou, se répéta-t-il pour la quinzième fois depuis le début de la soirée. J’ai besoin.... de prendre l’air. J’étouffe ici.

Sur la scène, les musiciens venaient de terminer leur performance et une foule nombreuse, menée par Tentai, se bousculait pour aller les féliciter (bien que franchement beaucoup ne comprirent pas pourquoi). Ashura-ô profita de cette agitation pour se glisser discrètement vers la sortie.

 

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-Et bien, constata Zocho, ça fait du bien quand ça s’arrête.

-Je te trouve bien cruel, lui fit remarquer Komoku. Moi, je l’ai trouvée très talentueuse. Et apparemment, je ne suis pas le seul...

-Tu ferais bien de te dépêcher d’aller lui parler avant que quelqu’un d’autre ne te la pique.

-Ah ça, y’a pas de risque ! s’exclama Vayue.

-Pourquoi dis-tu cela ? ? ?

-J’ai déjà entendu parler de cette demoiselle et à ce qu’il parait, c’est une chieuse ! La reine des pimbêches. Elle envoie balader tous les hommes qui l’approchent.

-Quoi ! Et c’est toi qui nous traitait de commères tout à l’heure ! Je m’en fiche des rumeurs, je vais quand même aller lui parler. Si je ne le fais pas maintenant, j’aurai des regrets toute ma vie. Et toi, Bishamon, tu ferais bien de faire pareil.

-Le problème, répondit ce dernier, c’est que toi tu vises une chanteuse et moi une princesse....

-Ah ! Tu vois bien qu’elle te plait la princesse ! ! ! !

Bishamonten rougit, baissa la tête et se plongea dans la contemplation du fond de son verre, non sans lancer un dernier :

-Bande d’imbéciles....

Et sur ce, Komoku s’éloigna en direction de l’élue de son cœur.

-Il va se prendre un râteau, ricana Zocho. (Bon, je doute que les dieux du ciel utilisent ce genre d’expression mais c’est pas grave....)

-On dirait que ça te fait plaisir, fit remarquer Vayue.

-Pas spécialement, mais au moins ça va mettre un peu d’action. Et puis, tu peux critiquer, je suis sur que tu espères la même chose..

-J’avoue ! ! ! C’est beaucoup plus drôle ! ! ! !

Et tous deux éclatèrent de rire avant de diriger leur attention en direction de leur ami qui à présent commençait à parler à la jeune fille.

-Dans trois secondes il se prend une baffe, murmura Vayue. Un, deux...

Quelle ne fut pas leur surprise de voir la demoiselle éclater de rire avant de se pendre au bras du jeune guerrier en noir, qui l’entraîna à une table isolée pour partager un verre.

-Non mais je rêve, murmura Zocho.

-C’est qu’il a réussit ce crétin, rajouta Bishamon.

-Comme quoi....enchaîna Vayue.

Taishakuten lui-même avait suivit la scène avec une certaine curiosité. Mais lorsqu’il tourna la tête pour jeter un nouveau coup d’œil à Ashura-ô, il constata que celui-ci avait disparu. Frénétiquement, il observa toute la salle pour retrouver le dieu de la guerre. Vayue s’en aperçut.

-Taishaku ? Quelque chose ne va pas ?

Enfin, il l’entrevit au moment même ou il franchissait la sortie. Sans réfléchir d’avantage, Taishakuten se leva pour le suivre.

C’est alors qu’il se demanda : mais qu’est-ce que je fais ? Je ne vais quand même pas le suivre, c’est ridicule.

Mais les paroles de Komoku lui revinrent à l’esprit : ‘si je ne le fais pas maintenant, j’aurai des regrets toute ma vie’.

Il s’élança alors à la poursuite du dieu de la guerre, malgré toutes les interrogations que cela amenait : comment l’aborder ? Qu’est ce que je vais lui dire ? Oh et puis tant pis, j’improviserai....

 

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Vayue était extrêmement contrarié. Tout avait pourtant bien commencé avec Taishaku, il avait été sûr de le mettre dans son lit ce soir et voilà que d’un coup, monsieur se levait et s’enfuyait... Non mais, qu’est ce qui avait bien pu le faire agir de la sorte ? Ca il l’ignorait encore mais pas pour longtemps. AHHHH, ça n’allait pas se passer comme ça !

A son tour, Vayue se leva et se précipita vers la sortie.

 

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Zocho et Bishamon échangèrent un regard interrogateur après que les deux hommes eurent quitté la pièce de la sorte. Puis le plus âgé des deux avec un geste de dépit :

-Boah... Y’a des fois faut pas chercher.....

-Mouais...

Bishamon se serait bien lancé à la poursuite de son ami, pour essayer de découvrir ce qui semblait le torturer depuis maintenant quelques heures mais bon... il avait déjà bien assez à faire avec ses propres problèmes. Mais pourquoi avait-il fallut qu’il tombe amoureux de la fille de Tentai !

 

********************

 

Ashura-ô, appuyé à la balustrade, respirait profondément l’air frais du jardin qui se trouvait en contrebas. Un peu de calme et de solitude lui avait permis de se reprendre et il cherchait désormais à comprendre ce qui depuis quelques heures le torturait, de l’apparition de Taishakuten à l’effrayante vision qu’il avait eu dans la salle de bal.

Jamais il n’avait eu de vision auparavant et il se demandait quel rôle jouait le Raijin dans tout cela. Cela avait-il un rapport avec son fils ? Sans nul doute, puisque l’autre personne de sa vision ne pouvait être que lui. Mais pourquoi et comment ?

La douleur dans son crane se fit plus insistante. Tant de questions auxquelles il n’avait pas de réponse.

Et pourquoi cette obsession de Taishaku ? Pourquoi ce besoin de le voir mais en même temps cette crainte de l’approcher ? C’était stupide, incompréhensible... Ca ne pouvait pas être...Il ne pouvait pas être...Pourtant, sa réaction quand il avait vu la main de Vayue sur la cuisse de Taishaku dans le bar des officiers ou la façon dont ce dernier fixait le dieu du vent pendant le repas... Non, certainement pas ! Ca devait être autre chose... Il trouverait !

Un bruit de pas se fit entendre derrière lui. Surpris, il se retourna.

Oh non, Taishakuten ! Qu’est ce que je vais faire ?

Le Raijin se trouvait à quelques mètres de lui et continuait à s’approcher.

Pourvu qu’il passe son chemin, pourvu qu’il passe son chemin, pensait-il alors qu’une toute petite partie de son être priait pour que Taishaku s’arrête un moment pour lui parler.

Mais qu’est-ce que je pourrais bien lui raconter ? ? ?

Enfin, le Raijin, tout proche, lui adressa un timide sourire et d’une petite voix mal assurée lui bredouilla un léger bonsoir.

Ashura répondit précipitamment avant de se replonger dans la contemplation du jardin, espérant que la lumière de la lune ne trahirait pas son visage rougissant.

C’est avec soulagement mais aussi une certaine déception qu’il entendit Taishakuten s’éloigner et finalement tourner dans le couloir le plus proche.

Qu’est ce que tu croyais, imbécile, qu’il allait s’arrêter pour faire un brin de causette avec toi ? Mais réfléchis un peu... Vous ne vous connaissez même pas... Et vu comme tu as été sympathique avec lui... OH CA SUFFIT ! ! ! De toute façon, je n’en ai rien à faire...En es-tu si sûr ? ? OUI ! ! ! Oui ! ! Je m’en fiche complètement ! ! ! Pourtant tes actes sont ceux...

Cette dispute intérieure fut de nouveau interrompue par des pas approchants.

Taishaku ! ! Il est de retour ! ! Cette fois je dois...

Ashura se retourna mais l’homme qui venait vers lui n’était pas le Raijin. C’était Vayue, le dieu du vent.

Evidement, pensa-t-il, j’aurai du m’en douter. Là où est Taishaku, Vayue se trouve aussi...

Une pointe de quelque chose, comme de la jalousie, pinça son cœur.

Le blond se contenta de lui faire un léger signe de tête auquel il répondit, avant de disparaître dans le couloir emprunté par Taishakuten.

Et voilà... il est parti le rejoindre pour la nuit... Et puis zut, ce ne sont pas mes affaires.

Et il se replongea dans la contemplation du jardin mais se rendit très vite compte que cela ne le menait à rien. Son esprit était obsédé par tout autre chose...

 

J’irai bien jeter un coup d’œil... Je sais que ça ne se fait pas mais bon... On ne peut pas toujours se plier à la morale....

Discrètement, le dieu de la guerre s’engagea dans le couloir en question.

Il y faisait très sombre. Il crut tout d’abord qu’il n’y avait personne, puis des éclats de voix l’informèrent du chemin à suivre. Et enfin il les vit. Cachés dans l’obscurité d’un pilier se trouvaient Taishakuten et Fu-ten Vayue. Ce dernier avait passé ses bras autour du cou du Raijin et l’embrassait passionnément.

 

Oubliant toutes précautions, Ashura-ô fit demi-tour et s’enfuit en courant vers Ashura-jou.

Pauvre imbécile, pensait-il. Tu te doutais bien de ce que tu allais voir ! Tu n’as pas été déçu ! Alors pourquoi est-ce que ça fait si mal...

Une fois de retour dans ses appartements, Ashura, épuisé, se laissa tomber dans son lit, et fut immédiatement happé par ce sommeil tant souhaité. C’est seulement à ce moment là qu’une larme s’autorisa enfin à couler le long de sa joue.

 

 

********************

 

Après être sorti de la salle de réception, Taishakuten eut beaucoup de mal à trouver le chemin qu’avait emprunté Ashura-ô. Il tourna en rond pendant un bon moment avant de finalement l’apercevoir, seul et magnifique à la lueur de la lune.

Bon, maintenant, comment l’aborder et que lui dire ?

N’ayant toujours aucune réponse à ces questions mais ne pouvant pas tenir en place plus longtemps, Taishaku s’avança à la rencontre d’Ashura. Celui-ci, entendant le bruit de ses pas sur le sol de marbre, se retourna et immédiatement l’esprit du Raijin se retrouva paralysé. Mais comment pourrait-il résister à une telle beauté ?

Je suis complètement idiot ! Je n’ai même rien à lui dire... Je ne vais quand même pas me jeter sur lui en criant : tu es magnifique, j’ai envie de toi, et l’entraîner dans mon lit.

L’idée lui parut pendant un instant séduisante mais une fois parvenu à hauteur de l’objet de son désir, il ne put faire autre chose que de murmurer un simple bonsoir auquel le dieu de la guerre répondit poliment avant de retourner son attention vers le jardin, comme si Taishaku n’avait pas plus d’importance que ça.

Se sentant humilié, ce dernier pressa le pas et tourna dès qu’un couloir s’ouvrit à lui.

Ridicule, rageait-il. J’ai été ridicule ! Je me suis comporté comme un véritable empoté ! Pire qu’une adolescente. Merde alors ! Je suis censé être le grand Raijin Taishakuten, pas une pucelle effarouchée !

Le cœur battant la chamade, il s’appuya contre un mur, tentant de reprendre son calme.

Mais qu’est ce qui m’arrive ? Qu’est ce que je vais faire ? Ashura...Je t’en prie...

Quelqu’un venait d’entrer dans le couloir. Reprenant espoir, Tai tourna la tête, s’attendant un instant à ce qu’il s’agisse d’Ashura, venu pour le consoler, pour le prendre dans ses bras... Mais ce n’était que Vayue...

Manquait plus que celui là, pensa-t-il, avec amertume.

Le dieu du vent s’avança vers lui et le regarda avec inquiétude.

-Taishaku, ça va aller ?

-Oui, tout va bien. Laisse-moi tranquille.

-Pourquoi as-tu quitté la salle aussi précipitamment ?

-Pour rien, j’avais besoin de prendre en peu l’air.

-Ben voyons... Tu me prends vraiment pour un con, répliqua le dieu du vent qui commençait à s’énerver.

-Je ne comprends pas de quoi tu parles, lui répondit Taishaku sur le même ton.

Une lueur de colère brilla dans les yeux de Vayue.

-Tu crois peut-être que je n’ai pas remarqué ton petit manège !Tu n’es pas le même homme que celui que j’ai rencontré ce matin ! Tu étais grand, fort et puissant et maintenant tu es pire qu’une larve !

-Qu’est ce qui te donne le droit de m’insulter ainsi !

-C’est la cérémonie de la salle du trône qui t’a changé ! C’est ta rencontre avec Ashura-ô !

-NE DIS PAS N’IMPORTE QUOI ! ! ! !

-Tu crois peut être que je n’ai pas vu la façon dont tu le regardais pendant le bal ! Tu crois peut être que je n’ai pas vu que tu as quitté la salle en même temps que lui ! Et c’est peut-être une coïncidence si je le retrouve dans le couloir que tu as suivi ! Qu’est ce qui t’es arrivé ? Tu n’as pas eu le courage de lui parler ? Le grand Raijin Taishakuten est donc un timide !

-Je t’interdis de me parler de la sorte ! Tu n’es rien pour moi ! Je ne t’ai rencontré que ce matin ! Il n’y a rien entre nous et il n’y aura jamais rien ! Je ne te dois aucun compte tu m’as bien compris !

Une expression de douleur passa dans le regard de Vayue qui reprit d’un ton plus calme.

-Taishaku, écoute-moi bien. Tu n’es rien pour lui non plus et tu ne seras jamais rien. Il n’est pas de notre monde. Arrête ça avant de te faire trop de mal. Il est inabordable mais moi, je suis là, je suis auprès de toi, j’existe et j’ai envie... j’ai besoin de toi.... Taishaku... Mon beau Taishaku...

Vayue s’approcha de lui, lui caressa le visage avant de finalement se mettre sur la pointe des pieds pour l’embrasser.

Encore sous le choc, Taishaku le laissa faire mais sans y prendre aucun plaisir... Les mots de Vayue raisonnaient encore dans sa tête... tu n’es rien pour lui... tu ne seras jamais rien...

Soudainement, un bruit précipité de pas se fit entendre près d’eux. Les deux hommes tournèrent la tête et Taishaku reconnut à la lumière argentée de la lune la toge blanche et or d’Ashura-ô. Il en resta paralysé.

Non ! Non ! Ashura l’avait vu avec Vayue, avait vu Vayue l’embrasser. Et même s’il avait eu auparavant la moindre petite chance, elle s’était désormais complètement envolée ! ! Ashura allait le prendre pour l’amant de Vayue ! !

-Et bien voilà au moins qui règle la question, fit remarquer Vayue avant de l’embrasser de nouveau.

 

C’était plus que Taishaku ne pouvait en supporter. Ashura lui semblait perdu à jamais et tout ça à cause de ce maudit dieu du vent !

Il attrapa Vayue par les épaules et le repoussa violemment. Que cet homme le touche, que cet homme l’embrasse, ces moindres pensées lui envoyaient des frissons de dégoûts dans tout le corps.

Le dieu du vent se retrouva au sol. De la rage pure se lisait sur tout son visage mais Taishakuten s’en moquait, seul importait maintenant l’isolement... regagner la douceur de sa chambre et s’abandonner à sa détresse.

Alors qu’il se hâtait dans cette direction, il entendit une voix hurler derrière lui :

-Tu me le payeras Taishakuten ! Jamais personne ne m’avait traité de la sorte ! Je me vengerai tu m’entends ! Je me vengerai !

Alors qu’il refermait la porte de sa suite, une profonde douleur s’abattit sur lui, et il sut que jamais, jamais personne d’autre que le dieu de la guerre ne compterait pour lui.

 

Chapitre 8