_ Tout est vrai?, demanda Hervé une fois qu'Isabelle eut fini de raconter son histoire.

_ Absolument, à moins que Saylan ne m'ait menti.

_ Je vois…

Hervé écoutait Isabelle parler non sans un pincement de coeur. Il n’avait pas aimé écouter son histoire, ou plus précisément, l’histoire d’Alexandre et de Saylan, mais d’une certaine façon, les choses étaient plus claires à présent. Il avait le sentiment de s’être montré du plus grand ridicule tout le long de cette histoire. Une chose, ou plutôt deux, étaient sûres : premièrement, il ne croyait pas un mot de ce qu'Isa lui avait dit sur Saylan, et deuxièmement, il était bien déterminé à faire la paix avec lui, et dans une moindre mesure (puisqu’il n’y avait pas eu de dispute à proprement parler) avec son frère. Après ce qu’ils avaient subi, c’était bien la moindre des choses. Hervé frissonna encore au récit de l’arrivée impromptue de Marc. Isa avait sans doute exagéré les choses, mais ça restait quand même terrifiant. Non mais, pourquoi il n’avait pas encore été chercher la police? En y repensant; Hervé se sentit tout petit. Aurait-il eu le courage, lui, de se battre pour protéger Saylan? Dans son esprit, la chose ne faisait aucun doute, mais il savait fort bien que, dans la pratique, rien n’était jamais aussi simple.

_ Alors, tu en dis quoi?

_ Pardon?

Qu'est-ce qu'elle lui voulait encore?

_ Bah, de ce que je viens de te raconter!!

_ Eh bien…

_ Eh, Hervé, SALUT!

Hervé et Isabelle se retournèrent d'un seul bloc. Bon sang, qui pouvait bien le connaître ici??? – gloups – Guillaume… Mais qu'est-ce qu'il faisait ici celui-là???

_ Mais qu’est-ce que tu fais ici ?, souffla Hervé, essayant de paraître naturel, et priant pour qu’Isa ne se mette pas en tête de tout dévoiler à son meilleur ami.

_ Je suis venu chercher mon frère. On a des trucs à faire pour l’anniversaire de ma soeur, dit Guillaume, "T'as pas l'air content de me voir? Je te dérange ?

Hervé tenta de faire bonne mine à son meilleur ami, qui tombait vraiment au mauvais moment. Il avait les oreilles qui sifflaient, désagréablement.

_ Je suis venu voir une amie, précisa Hervé, tout en lui désignant Isa. "Isabelle, Guillaume.

Guillaume tourna son regard vers elle… et pâlit.

_ Il y a quelque chose qui ne va pas?, s'inquiéta Hervé.

Pourquoi il tirait une tête pareille, Guillaume? Il avait l'air d'avoir été frappé par la foudre! Hervé se tourna alors vers Isabelle, qui se tenait étrangement calme… Mais???? Qu'est-ce qu'ils avaient à se regarder comme ça, sans ciller?

_ Hervé?, marmonna Isabelle sans même tourner les yeux, le regard braqué sur Guillaume qui la mitraillait pareillement.

_ Oui?

_ … euh, vous êtes dans la même classe ?

_ Quoi ? Oui, mais…

L’air d’avoir retrouvé ses esprits, Isabelle se leva comme un ressort pour s’approcher de Guillaume, qui la regardait comme un chien devant un os à moelle. Elle jeta un coup d’œil vers Hervé et lui dit d’une voix décidée :

_ On finira cette discussion plus tard, d’accord ? Faut que j’aille en cours ! Tu m’accompagnes… Guillaume ?

_ Avec plaisir, marmonna Guillaume sur un ton lointain, comme si Hervé était subitement devenu transparent.

_ QUOI?

Elle avança et… et Hervé n'en crut pas ses yeux, elle prit Guillaume par le bras, et ils s'en allèrent tous les deux?!?! Hervé crut qu'il allait s'étouffer sur place. Mais enfin, ces choses là, ça n'arrivait pas dans la vraie vie, seulement dans les histoires! Le coup de foudre en direct ,et puis quoi encore?? Hervé se sentit tout d'un coup profondément déprimé, tout seul à sa table devant son café froid alors que son meilleur ami s'éloignait au bras de la fille qui semblait bien partie pour devenir l'amour de sa vie. Non mais, quelle injustice!! Et dire qu'elle avait eu le culot de lui dire qu'il était trop jeune pour Saylan!!!!! Hervé s'en étrangla d'indignation. Il était en train de se dessécher sur pied pour un garçon inaccessible, et tout le monde autour de lui trouvait chaussure à son pied! Qu'est-ce que c'était que cette histoire stupide?????

Hervé se leva, la rage au cœur, avant de s'arrêter net. Ce n'était pas très charitable, tout ce qu'il venait de penser. Après tout, tant mieux pour Guillaume et Isabelle. Enfin, c'est pas ça qui arrangeait ses affaires ou sa bonne humeur. Cette pensée le ramena sur Saylan. Promis, juré, Hervé né tenterait plus de le " séduire " (ou plutôt d’essayer, vu les résultats qu’il avait obtenus). Mais il était hors de question qu’il se tienne à l’écart et ne le voit plus. Il allait rester à proximité, et si à la longue, Saylan le remarquait, eh bien... il en était désolé, mais tant pis pour Alexandre! Satisfait de ce raisonnement qui lui semblait on ne peut plus équitable, Hervé se sentit requinqué. Il chassa très vite de son esprit les images déplaisantes de Saylan se jetant au cou de son frère, pour ne pas avoir à les comparer avec celle de sa propre rencontre avec Saylan, et se dit qu’il était temps de rentrer à la maison. Et de chercher un moyen de faire la paix avec Saylan.

Ca n’allait pas être facile.

Et le plus urgent, c'était d'oublier ce coup de foudre en direct live. Non mais, on avait pas idée de mettre les gens dans des situations aussi embarrassantes!

Hervé avait résolu de laisser faire le hasard. Toutes les fois où il avait voulu le forcer s’étaient conclues par des catastrophes. Il allait donc attendre que les événements le conduisent face à Saylan. Cependant, il ne voyait pas d’inconvénient à donner un petit coup de pouce au hasard. Pendant la semaine qui suivit, il prit soin de passer une fois pas jour devant ce qu’il supposait être la maison de l’oncle de Saylan. Isabelle ne lui en avait d’ailleurs pas donné l’adresse, mais d’après ce qu’elle avait dit, ça devait être là. Une petite maison pas différente des autres. Le quartier ne lui plaisait pas trop, mais le temps exécrable qui régnait ne devait pas arranger les choses, ni son humeur. il ne savait pas ce qu’il attendait, à stationner comme ça une dizaine voire une quinzaine de minutes par jour devant cette maison, d’où s’échappait souvent de la musique, et une ou deux fois, des cris. Une fois, il vit une jeune fille aux cheveux blonds sortir, et tourner vite au coin de la rue, sans qu’il ait pu voir son visage. Enfin, le week end suivant, comme il l’avait espéré, quelque chose se passa. La maison de Saylan. Celle où il s’était passé tant de choses. Bien qu’il n’osât se l’avouer, Hervé avait attendu quelque chose de très précis devant cette maison. il n’avait eu que peu de chances pour que cela se produise juste au moment où il s’y trouvait, mais il fallait croire que ce Dimanche après-midi, il avait eu de la chance (il faut dire également qu’il venait de traîner trois heures dans le pâté de maison, s’attirant des regards suspicieux des voisins, d’autant plus qu’il avait fait la même chose la veille. Hervé jubilait en lui-même à l’idée qu’on le prenne pour un dangereux malfaiteur). Tout simplement, Hervé s’était dit que si les choses suivaient leur cours, Saylan n’allait pas tarder à déménager de chez son oncle. Alexandre étant cloué au lit depuis trois jours chez leurs parents avec une mauvaise grippe, il serait donc seul. Hervé n’avait aucune idée de comment il allait s’y prendre, décidé pour une fois à laisser parler l’inspiration de l’instant. Vers 15 heures, il avait vu Saylan marcher à pas lents vers la maison, le regard rivé au sol, profondément absorbé par ses pensées. Hervé avait pris garde à ne pas être vu, et du coin où il était, il lui semblait pourtant que Saylan avait l’air un peu fatigué. Arrivé devant l’entrée, il sortit de sa poche son propre trousseau et entra résolument. Il ne tarda pas à ressortir. Tout devait déjà être prêt à l’intérieur, et il vit Saylan et un homme grand, très mince, presque maigre, au cheveu rare mais à la couleur identique à celle de Saylan, déposer sur le trottoir deux caisses de taille moyenne, qui avaient l’air trop lourde pour que Saylan put les porter seul. Une fois sa charge déposée, l’homme, qui devait avoir la cinquantaine, et un visage aux traits profondément marqués si Hervé arrivait à le distinguer de sa position sur le trottoir opposé, tourna les talons et sans même un regard sur Saylan (qui avait l’air contrit de quelqu’un de très en colère mais qui n’ose pas le montrer), rentra et claqua la porte derrière lui. Saylan s’assit ou plutôt s’effondra sur le perron, entourant ses genoux repliés de ses bras, la tête penchée. Hervé traversa résolument la rue, tentant vainement de calmer son coeur qui battait la chamade à un rythme affolant.

Arrivé devant Saylan qui n’avait pas bougé, il lui tapa légèrement sur l’épaule.

_ Comment tu as fait pour arriver si vite?, demanda le jeune homme d’une voix acide tout en levant les yeux. Il fronça les sourcils en reconnaissant Hervé et non pas la personne qu’il attendait. Celui-ci ne s’était pas trompé. Saylan avait un teint de papier mâché, et des vilains cernes noirs sous les yeux. Et l’air pas commode du tout, mais alors, pas du tout.

_ Je me doutais que tu allais déménager aujourd’hui, mentit à moitié Hervé, " Alors je me suis dit que je pouvait passer faire un tour devant chez toi, juste au cas où.

Saylan déplia ses jambes, contraignant Hervé à s’écarter un peu de lui, et le foudroya du regard, avant de se calmer un peu.

_ J’ai déjà toute l’aide qu’il me faut, déclara Saylan d’un ton qu’il s’efforça de rendre indifférent, jetant un coup d’oeil distrait aux autos qui passaient.

_ Je voudrais te demander pardon, tenta Hervé. Après tout, autant être honnête pour une fois.

Saylan se contenta de regarder ailleurs, l’air très intéressé par le trafic des voitures. Cependant, alors qu’il avait eu l’air sur le point d’exploser quelques instants auparavant, il se calmait à vue d’oeil, sa respiration redevenant normale et non plus précipitée.

_ Je vais rester avec toi, avança Hervé tout en s’asseyant à côté de lui. " Je vais t’aider à transporter tes valises, tu veux? Je t’assure, je voudrais vraiment m’excuser.

_ J’ai déjà quelqu’un pour m’aider, répondit Saylan, mais son ton s’était déjà un peu adouci.

_ Eh bien, trois valent mieux que deux, non?

_ Si ça te fait si plaisir que ça...

_ D’accord!, s’exclama Hervé, ravi de voir que tout ne se goupillait pas trop mal. " Alors qu’est-ce qu’on fait?

_ On attend la voiture.

Hervé ne répondit rien, se contentant de jeter un regard en coin à Saylan à ses côtés. Il faisait froid, et de la buée blanche s’échappait de ses lèvres, un peu gercées. Hervé détourna le regard en vitesse avant de dérailler. Pourtant, le soleil jouait si joliment sur les cheveux de Saylan... Le silence se prolongeant, Hervé ne savait pas comment reprendre la conversation. A vrai dire, il n’en avait pas une folle envie. Le ciel était clair, le froid agréablement piquant, et à côté de lui, Saylan se calmait petit à petit. Il n’en demandait pas plus. Il serait resté comme cela des heures.

Finalement, ce fut Saylan qui reprit la parole.

_ Ca fait longtemps que tu attends devant la maison?

_ Euh...eh bien, hésita Hervé, pris de court.

_ Je t’ai vu tu sais, reprit Saylan, " Je t’ai vu attendre. C’est... c’était gentil de ta part.

Tout à sa joie, Hervé manqua de pouffer en voyant combien Saylan avait l’air gêné en le remerciant. Il avait un peu rougi, et regardait par terre. Il était si timide que ça, dans le fond?...

_ Je voulais te demander pardon pour ce que je t’ai dit l’autre jour. Je t’assure, je ne le pensais pas!

Saylan se contenta d’acquiescer, n’acceptant ni ne refusant ses excuses, mais pour l’instant, ça suffisait à Hervé. Il décida de tenter sa chance une fois de plus.

_ C’était ton oncle, tout à l’heure?

_ Oui. En fait, lui répondit Saylan tout en ouvrant la caisse la plus proche de lui, " Ils ont fait mes cartons sans me demander mon avis, je ne sais même pas ce qu’ils ont mis dedans. Ca me...

Il ne termina pas, visiblement à deux doigts de s’emporter à nouveau. Au lieu de ça, il se leva et commença à jeter un coup d’oeil à l’intérieur de la caisse.

_ Tu veux bien me donner un coup de main en attendant la voiture?, demanda-t-il, et Hervé s’empressa de se lever pour s’exécuter.

A l’intérieur de la caisse, tout semblait très bien rangé. A première vue, celle-ci ne contenait que des vêtements. Saylan en retira quelques uns qu’il posa, toujours soigneusement pliés, dans les bras d’Hervé (qui les reçus religieusement), et jeta un coup d’oeil à ce qui se trouvait en dessous (du coin de l’oeil, Hervé eut l’impression qu’il s’agissait principalement de livres et de CD). Satisfait de son exploration, Saylan reprit possession de ses habits et les remit dans le carton.

_ Tout est en ordre?, demanda Hervé en re rasseyant à côté de lui.

_ Oui. Je pense que c’est Sandra qui s’en est occupée. Elle est très soigneuse.

_ Elle te manquera?, demanda Hervé tout à trac, incertain du succès de sa question.

_ ... Sans doute un peu, répondit Saylan après un moment d’hésitation. " Je ne sais pas.

_ Tu vas habiter chez Alexandre alors?, continua Hervé. " Tu n’as pas peur que ça pose des... euh... des problèmes par rapport à nos parents? Je veux dire...

Saylan l’arrêta d’un geste.

_ Je ne vais pas vraiment m’installer chez ton frère. Je vais faire du camping entre deux ou trois coins en attendant les grandes vacances. C’est une affaire de quelques mois, et après, je me trouverai un petit boulot, ça m’aidera bien.

_ Dis, Saylan..., commença Hervé

_ Oui?

_ Mon frère, c’est le premier garçon avec qui tu a couché?

Hervé se mordit la langue. C’était pas du tout ce qu’il avait eu l’intention de dire!!

_ KOA?

_ Nononononononon, oublie ça, oublie ça, ma langue a fourché, je suis désolé, je...

_ OH; bon, ça va, arrête de tout le temps t’excuser, ça m’agace!, rétorqua Saylan.

Hervé se tut, mortifié.

_ T’es d’une curiosité..., siffla Saylan, " J’arrive pas à y croire. Alex est si discret... T’es sûr que vous êtes frères? Ou t’es un enfant-loup? Perdu par sa meute et adopté discrètement?

_ Bon, j’ai dit que ma langue avait fourché! Pas besoin d’en faire un fromage!

Il ne voulait pas qu’il s’excuse? Eh bien, il allait être servi!

_ Est-ce que je te pose ce genre de questions moi? Encore que je me doute de la réponse...

_ C’est sympa..., dit Hervé en se renfrognant.

_ Ecoute, tu te comportes de façon tellement... tellement naïve parfois!

Pan dans les dents! Hervé déglutit. Il l’avait bien cherché... Pourtant, Saylan n’avait pas l’air fâché, plutôt amusé. Il ne semblait pas vouloir l’éviter malgré ses sentiments encombrants. Raison de plus pour les tenir en laisse! Ceci dit, l’occasion était si belle...

_ Eh bien si je suis si naïf, tu n’as qu’à me donner des cours pour changer ça!

_ Hum, je ne suis pas sûr que tu saches ce que tu demandes!, rétorqua Saylan d’un ton gentiment railleur.

_ Il n’y a qu’un moyen de le savoir..., continua Hervé, gardant un ton léger alors qu’il sentait son estomac se rétrécir.

_ Ah oui?, reprit Saylan en supprimant un sourire, " Mais je n’accepte pas n’importe quel élève!

_ Et quels sont tes critères?

Son estomac devait être de la taille d’une balle de tennis maintenant.

_ Pleins de choses..., répondit Saylan d’un ton rêveur, puis, soudain très sérieux : " Mais là, je n’ai de place pour aucun élève, désolé! J’en ai déjà un qui me prend tout mon temps... Si tu avais voulu t’inscrire plus tôt, qui sait... Mais si tu veux, je te présenterai quelqu’un!!!, finit-il en éclatant de rire.

DAMNED! Encore raté!

Cette discussion à demi-mot avait épuisé autant qu’exalté Hervé, qui se sentait comme une vieille chaussette distendue. Vivement que cette voiture arrive, qu’il puisse se détendre un peu... et oublier la petite voix d'Isabelle qui le raillait du fond de sa tête. A côté, Saylan se leva soudain :

_ Eh bien c’est pas trop tôt, marmonna-t-il.

Une voiture gris métallisée, élégante et fine, se gara à quelques pas d’eux. Hervé se leva, et son sang ne fit qu’un tour : il connaissait le conducteur! Enfin, il l’avait rencontré, une fois...

_ Je suis venu dès que j’ai eu ton message sur le répondeur, commença Drabant, avant d’aviser Hervé et de lancer un regard interrogateur à Saylan.

_ C’est Hervé, le frère d’Alex, commenta platement ce dernier. " Hervé, monsieur Drabant.

_ Vous ressemblez beaucoup à votre frère, constata le professeur avant de diriger son attention vers Saylan. " Je ne savais pas que nous serions trois.

_ Je ne le savais pas non plus. Ca pose un problème?

_ Pas du tout. Bon, nous chargeons ces cartons?

Assis à l’arrière de la voiture, Hervé écoutait Saylan et Drabant discuter. Saylan avait l’air détendu, et somme toute, content d’être en la compagnie de son ancien professeur. Il se sentait un peu mis à l’écart, et commençait tout juste à se remettre de sa discussion ambiguë avec le jeune homme. Qu’est-ce qu’il avait voulu dire par " si tu avais voulu t’inscrire plus tôt "?... C’était juste une blague, ou il aurait vraiment eu une chance? Après les paroles qui avaient été échangées entre eux l’autre jour à propos de ses sentiments, Hervé n’aurait jamais pensé que Saylan put soutenir ainsi devant lui une conversation de ce genre! Et surtout avec une telle désinvolture! Pourquoi il faisait une chose pareille? Etait-ce parce qu’il...

" Allons Hervé, tu as dit que tu laisserais faire les choses, que tu ne provoquerais plus rien, alors n’y pense pas! "

D’autant que Saylan avait malgré tout été clair : en ce moment précis, il n’y avait pas de place pour lui. La vie était trop injuste... Hervé jeta un coup d’oeil à Drabant dans le rétroviseur. C’était vraiment un bel homme, dans un style très classique, mais tout de même. Tout dans la simplicité : des vêtements sobres (un costume gris clair, sans cravate), une coupe sans chichis, des traits doux et réguliers. Il avait une façon de s’exprimer claire et concise. Saylan l’écoutait sans l’interrompre.

Une fois arrivés chez Alexandre, ils déchargèrent les deux caisses, et Saylan commença à trier (affalé sur la moquette du salon) les affaires qu’il allait laisser là et celles qu’il allait emmener Hervé ne savait où.

_ Alors, comme ça, commença Drabant en s’adressant à lui, " Il paraît que votre frère est malade? Ce n’est pas trop grave au moins?

_ Non, c’est une sorte de grippe pas trop méchante. Mais nos parents ont préféré qu’il revienne à la maison. Il sera sur pied d’ici un ou deux jours.

_ Vous vous ressemblez vraiment beaucoup. Combien avez-vous de différence?

_ Quatre ans. Mais Alexandre fait beaucoup plus vieux que son âge. Ca fait parfois de drôles de quiproquos!! Et vous? vous avez des frères et soeurs?

_ Je suis fils unique.

Et le dialogue se poursuivit, totalement convenu, mais Hervé n’avait vraiment rien à demander à Drabant, hormis des questions indiscrètes sur Saylan, mais il n’allait sûrement pas les poser en sa présence!! Et puis finalement, les affaires furent triées, rangées, et une partie prête à être emmenée autre part.

Saylan et Drabant se levèrent, se dirigèrent vers la sortie.

_ On peut ramener Hervé chez lui?, demanda Saylan.

Drabant acquiesça, tandis qu’Hervé demandait :

_ Et vous? Vous allez où?

_ Saylan vient déposer le reste de ses affaires chez moi, répondit Drabant. " D’ailleurs, tu ne m’avais pas dit que tu voulais y passer la nuit aussi, Saylan?

_ Oui! Je n’aime pas dormir dans cet appartement vide, adressa-t-il en guise d’explication à Hervé qui avait senti sa température monter d’un cran. Stupide, stupide, se dit-il, cesse de voir le mal partout!... Ceci dit, à la place d’Alexandre, ça ne lui aurait pas vraiment plu. Heureusement que ce Drabant avait l’air honnête!

Quelques minutes plus tard, Drabant le déposa devant chez lui, et il rentra chez lui, le coeur rempli d’images de Saylan à chérir... Il était rentré en grâce. Restait maintenant à se mettre la conscience en paix du côté de son frère.

C’était pas gagné.

 

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