Titre (si quelqu’un en trouve un ça serait sympa)

Merci à Adeline et Kotori!!!                         

 

Le bruissement des draps et le grincement des ressorts se déchargeant d’un poids éveillèrent Aphrodite. Il faisait encore nuit noire au sanctuaire et tous ou presque dormaient.

Il s’en va... encore, pensa le chevalier du poisson.

Il ouvrit les yeux et mit quelques instants à s’habituer à la lueur de la chandelle qui scintillait sur la table de nuit. Puis, lorsque la lumière ne blessa plus ses yeux encore un peu embrumés par le manque de sommeil, il scruta la pièce et aperçut son amant qui finissait de s’habiller et s’apprêtait à partir. Son grand lit lui parut soudainement tellement froid malgré la chaleur animale qui régnait encore dans la pièce. Froid et vide comme pouvait l’être son cœur en cet instant.

-Pourquoi ne peux-tu pas rester la nuit entière avec moi ? interrogea-t-il d’une voix douce mais amère.

Les yeux bleus et cruels de Masque de Mort le transpercèrent de toute leur dureté et un sourire méprisant se dessina au coin de sa bouche.

-Pour qu’au matin tout le monde me voit sortir de chez un pédé dans ton genre!!! Hors de question !

L’attaque était basse mais Aphrodite en avait pris l’habitude. Et même si cela faisait toujours mal après tant d’années à être la risée de tous, il n’allait pas déjà se laisser déstabiliser.

- Pourtant habituellement ça n’a pas l’air de te déranger tant que ça que je sois un pédé... Tu n’es pas mieux que moi, répliqua-t-il d’un ton où transparaissait une pointe de colère.

A la lueur meurtrière qui s’alluma dans le regard habituellement si glacial du chevalier du cancer, Aphrodite comprit immédiatement qu’il avait fait une bévue en répondant ainsi.

Il savait parfaitement qu’il était des sujets à ne pas aborder avec lui mais comme toujours dans les moments d’extrême amertume, il n’avait pas pu se retenir. Avant qu’il ait eu le temps de réagir, Masque de Mort se rua sur lui et l’attrapa brutalement à la gorge. Aphrodite eu un hoquet de surprise.

-Ecoute-moi bien petite tapette... Je n’ai rien à voir avec toi ! Je te baise parce que tu le veux, que je t’ai sous la main et que ça coûte moins cher que d’aller voir les putes mais c’est tout. Ne te méprends pas sur moi !

Aphrodite, le souffle bloqué par l’empoigne agressive, ne put même pas esquisser une quelconque réponse et fut rejeté lourdement sur le lit qui craqua sous le choc. Puis, Masque de Mort, encore sous le coup de la colère, sortit rapidement en claquant la porte.

Aphrodite resta comme paralysé pendant quelques secondes. Sa gorge délicate sur laquelle commençaient à apparaître les marques de doigts de son amant, le brûlait. Il essuya au coin de son œil pas encore démaquillé une larme dont il ne savait si elle était due à la douleur physique ou morale. Puis, il se ré enroula dans ses draps en espérant trouver de nouveau le sommeil, même s’il avait de forts doutes à ce sujet. Certes, il aurait pu se défendre contre Masque de Mort, après tout il était aussi un chevalier d’or mais à quoi cela aurait-il servi ? Ca n’aurait qu’envenimé d’avantage la situation et cela Aphrodite ne le voulait surtout pas. Ce qu’il avait... Ce qu’il avait était déjà pas mal et bien plus même qu’il n’aurait jamais osé espérer, bien qu’il eut encore du mal à se l’avouer. Et pourtant, Masque de Mort le traitait avec tant de mépris...

-Salaud, murmura-t-il.

 

Mais nul n’était là pour l’entendre...

 

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Aphrodite se souvenait encore de la nuit où le Masque de Mort s’était intéressé à lui pour la première fois. Certes, depuis longtemps Aphrodite avait la réputation d’être un coup facile pour les chevaliers qui s’ennuyaient un peu et étaient en manque de femme. Nombreux étaient ceux qui venaient lui demander ses faveurs le soir venu et, pour peu qu’ils ne soient pas trop laids, Aphrodite les leur accordait sans plus de difficulté. Mais il s’agissait en général de chevaliers de bas étages, de simples sous-fifres ou même des apprentis. Aucun chevalier digne de ce nom, et encore moins un chevalier d’or, ne se serait risqué à une telle chose. Ils tenaient trop à leur réputation.

Sa réputation, Aphrodite n’en avait rien à faire. Ca faisait bien longtemps qu’elle avait été souillée. Déjà à la naissance, rien que par le nom qu’on lui avait donné, il avait été destiné à être un objet de moquerie, alors autant continuer jusqu’au bout... Mais il regrettait ce manque d’intérêt que lui portaient les autres chevaliers d’or. Ils étaient tous tellement impressionnants qu’il aurait donné quasiment n’importe quoi pour avoir la chance de pouvoir un jour partager la couche de l’un d’entre eux. Et finalement, ce fut le Masque de Mort qui combla ce souhait.

 

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Aphrodite avait toujours considéré le Masque de Mort, si ce n’est comme un ami, du moins comme le chevalier dont il se sentait le plus proche. Peut-être à cause de leur savoir commun quant à l’imposture du Pope ou à cause leurs caractères apparemment assez semblables, ils s’entendaient plutôt bien.

Aphrodite savait que Masque de Mort était encore plus cruel qu’il ne l’était lui-même. Son caractère, Aphrodite se l’était forgé sous le coup des moqueries et des humiliations dont il était depuis toujours l’objet. Il avait appris à mépriser les autres qui le haïssaient pour ce qu’il était. Il avait appris à se battre pour leur inspirer terreur et respect, pour qu’à leur tour ils plient le genou devant lui... Masque de Mort... Aphrodite ignorait ce qui l’avait amené à avoir un tel comportement... Ou peut-être était-il tout simplement fou.

Ce soir là, ils rentraient ensembles dans leur maison respective après s’être un peu entraînés au combat. Même pour un chevalier d’or, l’entraînement était indispensable afin de conserver une bonne forme et de perfectionner ses techniques. Masque de Mort avait voulu plonger Aphrodite dans les cercles de l’esprit et Aphrodite avait bombardé Masque de Mort de dangereuses roses noires. Bien sûr, ils avaient juste tenté d’impressionner l’autre avec des attaques de plus en plus puissantes mais jamais ils n’avaient cherché à vraiment se faire mal. Un réel combat entre chevalier d’or peut très vite dégénérer en une lutte sanglante et inutile.

Le ciel était très clair et les constellations brillaient au-dessus d’eux, éclairant leur marche d’une agréable lueur argentée. Ils ne parlaient pas, cela leur paraissant inutile. Ils étaient tous deux des solitaires, les bavardages sans intérêt ne les avaient jamais concernés.

Puis était venu le moment de se séparer. Comme toujours Aphrodite allait s’éloigner et retourner chez lui sans même un mot pour son compagnon, toutes formes de politesse étant inutiles avec Masque de Mort. Mais cette fois là, ce dernier l’avait retenu par le bras et l’avait forcé à le regarder. Aphrodite s’était d’abord demandé ce que lui voulait son ami mais une fois qu’il eut plongé ses yeux dans les pupilles fiévreuses de celui-ci, il ne sut plus comment même penser tellement leur intensité était grande.

-Tu sais que tu ressembles vraiment à une femme...Le même visage, la même allure...

Aphrodite se retint de rire sous le coup d’une telle banalité. Pourtant la situation ne l’amusait pas. Il se sentait plutôt... Etrangement troublé.

-On me le dit souvent...

Masque de Mort avait alors passé une main dans son abondante chevelure bleu ciel.

-Une très belle femme même...

Aphrodite avait l’habitude de ce genre de discours. C’était celui qu’utilisaient tous les chevaliers désirant passer la nuit avec lui. Mais jamais il n’aurait cru l’entendre sortir de la bouche de Masque de Mort et cela lui coupa le souffle. Ne sachant que répondre il se contenta de sourire d’un air qu’il aurait voulu narquois.

Masque de Mort ne le quittait plus des yeux. Il le fixait de ce regard tellement méprisant et si sûr de lui, comme s’il savait déjà qu’Aphrodite ne pourrait refuser ses avances. Puis, brutalement, comme tout ce qu’il faisait, il l’attira à lui et l’embrassa fougueusement.

Aphrodite n’avait pas hésité longtemps avant de répondre à ce baiser passionné. Certes, il s’était bien posé quelques rapides questions sur l’attitude que pourrait avoir Masque de Mort envers lui à la suite d’une telle aventure et si cela valait le coup de perdre son unique ami pour une rapide coucherie. Mais le corps de son ami était si chaud contre le sien qu’il dissipa toute interrogation.

Leur baiser, presque animal, parut durer une éternité. Aphrodite avait passé les bras autour du cou de Masque de Mort et ce dernier parcourait tout son corps de longues caresses fiévreuses et excitantes. Puis il l’avait entraîné jusqu’à la maison du poisson où ils avaient fait l’amour toute la nuit.

Aphrodite ignorait si le fait que Masque de Mort soit un chevalier d’or avait changé quelque chose ou pas à son degré d’excitation, toujours est-il qu’il avait passé la nuit la plus merveilleuse de toute sa vie. Certes, son partenaire l’avait traité constamment en femme mais Aphrodite en avait l’habitude et cela ne le dérangeait plus. Au contraire même, il avait l’impression dans ce genre de moment d’être enfin réellement lui même. Mais au matin, lorsqu’il s’était éveillé, Masque de Mort était parti, comme tous les autres avant lui et tous ceux qui viendraient après. Il se retrouvait de nouveau seul.

 

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Le jour suivant lorsque Aphrodite croisa Masque de Mort, il prit bien garde à ne faire aucune allusion à ce qui s’était passé la veille. Il voyait cela comme un excellent moment trop vite passé et c’est tout. Mais lorsque le soir tomba, Masque de Mort s’imposa de nouveau dans son lit... Et il en fut ainsi quasiment tous les soirs suivants.

Mais jamais Masque de Mort ne lui accordait une once de tendresse. Toute leur aventure n’était basée que sur le sexe.

Pourtant, un jour, le Grand Pope envoya Masque de Mort pour une mission qui allait durer plusieurs jours. Pendant cette absence Aphrodite se sentit plus seul que jamais. Il n’avait même plus envie, comme il le faisait à l’accoutumé, d’aller passer le temps dans les bras d’un charmant apprenti chevalier. Et c’est ainsi, au cours de ces longues nuits froides passées seul à penser à Masque de Mort, qu’Aphrodite comprit qu’il avait réalisé l’une des plus grosses bêtises de sa vie : il s’était attaché à cet homme pour lequel il ne représentait pourtant rien de plus qu’un objet de satisfaction charnelle.

 

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Aphrodite :

Tous les jours, je suis là, à attendre son retour... Et pourtant il ne m’offre rien... J’existe à peine pour lui. Je ne suis qu’une simple chose, agréable par moments, mais dont il se débarrasse le plus rapidement possible une fois qu’elle a servie...

Je ne pleurerai pas... Je ne crierai pas... et pourtant je souffre, j’ai mal.

Mais pourquoi ai-je mal ?

La douleur morale, je la connais depuis toujours. Je l’ai vécue, j’ai vécu à travers elle. Grâce à elle je suis devenu ce que je suis, un chevalier puissant et impitoyable. J’ai appris à la combattre et à la vaincre... Alors pourquoi cette fois je n’arrive pas à l’annihiler, je n’arrive pas à me retrancher derrière mon mur de haine, celui que j’ai érigé il y a de cela si longtemps, quand ils ont commencé à se moquer de moi... De mon nom... De mon apparence... De ce que je suis... Reviens, Masque de Mort, reviens près de moi... C’est mon seul souhait, mon seul désir. Je ne te demande pas de m’aimer, je sais que c’est impossible pour quelqu’un comme toi, mais je veux juste que tu sois à mes cotés car toutes les insultes que tu pourras me lancer me feront de toute façon moins mal que ton absence...

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Aphrodite rentra chez lui alors que la lune brillait déjà haut dans le ciel... C’était fini... Aujourd’hui non plus il ne rentrerait pas...

 

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Masque de Mort guettait sa proie... Plus que celui là et il les aurait tous eu. Une fois encore le Grand Pope l’avait envoyé massacrer un haut dignitaire et toute sa famille. Une tâche bien aisée pour quelqu’un de sa puissance mais sans qu’il ne comprenne pourquoi, il avait été plutôt distrait ces derniers temps et quelques-uns uns étaient parvenus à s’échapper. Ils s’étaient terrés aux quatre coins du monde et Masque de Mort avait dû les débusquer un à un. Mais maintenant qu’il avait retrouvé le dernier, tout allait aller très vite et il serait bientôt de retour au Sanctuaire auprès...

Un léger sourire mélancolique lui échappa à cette unique pensée mais il le réprima bien vite... Après tout quelle ineptie ! Il devait éviter d’avoir des idées comme celle qui venait de lui traverser l’esprit... Certes, passer un peu de temps dans le lit d’Aphrodite était toujours agréable mais il n’y avait pas de quoi en faire toute une histoire. D’accord le chevalier du poisson se pliait à ses moindres désirs et il ne se lassait pas de retourner à ses cotés toutes les nuits... Mais Aphrodite n’en restait pas moins une putain sur laquelle la moitié du Sanctuaire était passée.

Soudainement, un bruit d’hélicoptère le détourna de ses pensées. Sa foutue cible était en train de se barrer par la voie des airs. Masque de Mort s’apprêtait à ravager l’engin d’un puissant coup de poing quand il saisit un mouvement du coin de l’œil. Et il comprit que l’hélico n’était qu’un leurre. Celui qu’il devait abattre tentait de s’enfuir en voiture dans l’autre sens. Rapidement, il changea l’orientation de son attaque et elle fusa droit vers son objectif qui s’enflamma sous l’impact.

 

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Masque de Mort s’approcha des débris avec le calme du tueur qui sait qu’il a gagné. Par terre, rampant à ses pieds, se trouvait le jeune homme auquel il avait ordre d’ôter la vie. Celui-ci était mal en point mais encore vivant. Le chevalier se positionna pour donner un nouveau coup, qui cette fois se devait d’être fatal.

-Pitié, murmura sa jeune victime.

Ses yeux étaient agrandis par la terreur et des flots de sang s’échappaient d’une coupure au front avant de s’écouler sur la peau livide.

-Je ne connais pas la pitié. Pour moi tu ne vaux pas mieux qu’un objet... Tu n’es qu’une pièce de plus à ranger dans ma collection.

Comme toujours, le ton froid du chevalier du cancer était doublé d’une légère pointe d’amusement ironique.

-Mais je ne vous ai rien fait... Je veux encore vivre!!!

-Et pourquoi faire ? A quoi cela te sert-il de vivre ?

-Mais... Je ne veux pas mourir... Je suis trop jeune...

La voix de sa victime se brisa sur un léger sanglot d’épouvante. Il savait que sa fin était proche et que rien ne pourrait faire changer d’avis le tueur cruel qui lui faisait face.

-L’âge n’a rien à voir là dedans. Le destin est injuste, il n’y a pas d’âge pour mourir.

-J’ai peur...

-De quoi ?

-De la mort...

-Alors tu as peur de moi ?

-Oui

Sa voix n’était plus qu’un souffle qui aurait été inaudible pour tout autre qu’un chevalier d’or.

-Bien...

-Pourquoi faites-vous cela ?

Le sourire de Masque de Mort retomba. La proie commençait à se révolter, cela s’entendait à l’agressivité et la colère qui dominait dans cette dernière question.

-On me l’a ordonné.

-Vous n’avez pas peur de la damnation ?

-Nous sommes tous destinés à la damnation, quelques aient été nos actions...

-Non c’est faux!!!

-Sais-tu à quoi ressemble la mort ? Moi je le sais... Que nous ayons été bons ou mauvais nous finissons tous au même endroit...

Masque de Mort laissa échapper un sourire amer... Avant de reprendre :

-Cette discussion m’ennuie... De toute façon tu ne pourras, ou ne voudras, pas comprendre avant d’avoir vu par toi même. Maintenant meurs !!!

Le jeune homme laissa échapper un dernier cri de désespoir avant d’avoir la tête arrachée par un unique coup du chevalier d’or. Quelque part dans la maison du cancer, un nouveau visage terrifié apparaissait.

-Maintenant, murmura Masque de Mort, tu dois comprendre ce dont je t’ai parlé.

Comme à l’accoutumée, il ponctua son nouveau méfait d’un sinistre ricanement mais qui cette fois fut de courte durée. Sa précédente conversation avait ravivé ses souvenirs...

 

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Son Maître avait été un homme cruel et froid, comme il l’était lui-même à présent. De tous les disciples, il était le seul encore en vie. Les autres avaient succombé à l’entraînement intensif ou aux sévères punitions à répétition. Maintenant il était presque prêt à devenir le nouveau chevalier d’or du cancer malgré son très jeune âge. Il était déjà dur et insensible, les souffrances lui avaient forgé le caractère, mais il n’était pas encore un monstre ou une bête sanguinaire comme pouvait l’être son Maître. Il avait d’ailleurs bien du mal à comprendre comment un être humain pouvait commettre de telles atrocités. A plusieurs reprises il lui avait posé la question mais à chaque fois son mentor s’était contenté de sourire amèrement avant de lui répondre que de toute façon, il le saurait bien assez tôt. Puis un jour, lors des dernières phases de sa préparation, celui-ci vint le trouver.

-Tu m’as souvent demandé comment je pouvais faire ce que je fais... Alors le temps est venu pour toi de le savoir. Après ce que je vais te montrer, tu ne seras plus jamais le même. Prépare-toi à apprendre ton ultime attaque, et mon dernier enseignement.

Le futur Masque de Mort avait simplement hoché la tête et son Maître l’avait précipité dans les cercles de l’esprit.

 

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Masque de Mort regarda le ciel bleu. Il devait faire nuit au Sanctuaire... Le Sanctuaire, à l’autre bout du monde. Là où se trouvaient les preuves de ses pêchés mais aussi son dernier pan d’humanité.

Il était temps de rentrer.

 

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Comme il l’avait prévu, il faisait nuit noire quand il arriva chez lui. Même l’éclat de la lune était inexistant, barré par d’épais nuages. Il se dirigea vers sa maison mais soudainement changea d’avis. Après tout, il ne l’avait pas vu depuis une semaine, il pouvait bien aller le réveiller pour s’amuser un peu.

La maison du poisson était si calme qu’elle en paraissait vide. Et pourtant Masque de Mort ne se laissa pas berner par cette apparente tranquillité. Il savait exactement où trouver le propriétaire des lieux, puisque après tout il était devenu un habitué... Le seul habitué d’ailleurs... D’après ses renseignements, il avait été le seul à bénéficier à plusieurs reprises des faveurs du sublime chevalier.

Il ne put masquer un sourire, pas l’un de ses habituels rictus mais un véritable sourire. Heureusement que nul n’était là pour le voir car si un infortuné témoin s’était trouvé dans les parages, Masque de Mort n’aurait certainement pas épargné sa vie. Il y a des choses que l’on se doit de cacher au reste du monde...

Masque de Mort entra dans la petite chambre cachée dans un coin du temple du poisson et alluma la petite bougie à l’entrée. Certes, le Sanctuaire était loin de disposer de tout le confort moderne, et encore moins de l’électricité, mais les chevaliers ne s’en plaignaient pas. Ils avaient été élevés durement et cela faisait partie des traditions. Masque de Mort trouvait même un certain charme à toutes ces torches et ces chandelles disposées dans les maisons et les palais.

Comme il l’avait prévu, Aphrodite dormait. Mais son visage d’une rare finesse, accentuée par la douce lumière dorée, était loin d’exprimer le calme et le repos comme il aurait dû. Au contraire, le chevalier semblait en proie à d’horribles angoisses. Il avait une expression crispée et de grosses gouttes de sueur coulaient le long de son front et de ses joues.

Masque de Mort tendit les doigts pour les essuyer délicatement mais au dernier moment retint son geste. Il s’était promis de ne jamais se laisser aller à ce genre de mièvreries qui causaient la faiblesse. De toute façon, quelle importance ce genre de choses a-t-elle alors que la vie n’est, comme son Maître le lui avait prouvé, qu’une vaste fumisterie ? Et même si la beauté d’Aphrodite était tout à fait exceptionnelle, cela ne changeait rien.

Masque de Mort devait bien avouer qu’il s’était laissé peu à peu charmer par l’étrange féminité de son compagnon. Pourtant ils se connaissaient depuis l’enfance, mais ce n’était que depuis peu de temps qu’il avait réalisé son désir. Auparavant, Aphrodite était pour lui un autre chevalier, dont il était peut être un peu plus proche mais sans pour autant pouvoir le qualifier d’ami au vrai sens du terme. Et puis un soir, la beauté d’Aphrodite, soulignée encore d’avantage par la lumière lunaire, lui était apparue dans toute sa splendeur et il n’avait pu se retenir de l’embrasser. Ensembles, ils avaient passé une nuit merveilleuse, mais au matin, Masque de Mort avait préféré partir avant le réveil de son amant.

Il s’était posé beaucoup de questions sur son comportement de la veille, ce qui était assez inhabituel pour lui toujours si sûr de ce qu’il faisait, mais il avait mis cela sur le compte du manque de femme. De ce point de vue là, le Sanctuaire n’avait vraiment rien à envier à un monastère et le peu de femmes qu’on pouvait y trouver étaient toutes plus viriles les unes que les autres... De plus, avec le masque, on ne savait jamais à quoi s’attendre, sans compter le fait que la plupart d’entre elles étaient plus farouches qu’une bête sauvage. Mais peu à peu, il avait pris conscience que son attirance n’était pas uniquement à mettre sur le compte de la frustration. Il y avait autre chose même s’il refusait encore de se l’avouer pleinement. Il s’énervait de ne pouvoir retrouver son habituel calme. Toujours son esprit revenait à Aphrodite et sur la nature de leur relation. Il savait que le chevalier du poisson, même si jamais il ne lui aurait dit, s’était attaché à lui bien plus qu’il n’aurait dû, cela se voyait dans sa façon d’agir... Cette façon qu’il avait de le regarder ou de l’embrasser. D’un certain côté, cela le flattait et il en était très heureux mais il en était aussi très mal à l’aise et un peu peiné... Peiné, à quoi bon ? pensa-t-il... Je n’en ai rien à faire. De toute façon les sentiments sont inutiles... La vie n’a aucun sens alors pourquoi s’embarrasser de pareilles foutaises ?

 

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Il éteignit la bougie et se glissa sans ménagement dans le lit, bousculant au passage Aphrodite qui émit un léger grognement de contrariété.

-Bouge ton cul de là!!! Tu prends toute la place.

Le son de la voix rauque de Masque de Mort réveilla brusquement Aphrodite qui se hâta de lui laisser un peu d’espace.

Il est de retour, enfin ! se réjouit-il intérieurement.

-Je te signale quand même que c’est mon lit, fit doucement remarquer Aphrodite.

-Si ça te dérange, je peux retourner chez moi. J’espérai un accueil plus enthousiaste.

 

Aphrodite comme électrisé par les paroles de Masque de Mort, passa ses deux bras autour de son cou et l’embrassa avec passion. Masque de Mort se retint de répondre immédiatement. Il ne comprenait pas comment un chevalier d’or comme Aphrodite pouvait avoir aussi peu de fierté mais en il était heureux... Heureux de savoir qu’il lui avait manqué.

-Excuse-moi... Je suis si content que tu sois rentré.

Masque de Mort se contenta de hausser les épaules.

-Tu pourrais me dire quelque chose de gentil au moins, insista Aphrodite.

-Pourquoi ? Je n’ai rien à te dire.

Il se savait cruel, mais que répondre d’autre ? Il n’avait aucun sentiment... Aucun... Ils étaient tous morts il y avait bien longtemps de cela... Il les voulait morts... C’était la seule issue.

-Pourquoi as-tu mis aussi longtemps à rentrer ?

-Ca ne te regarde pas.

Aphrodite soupira longuement. Il était partagé entre le bonheur de revoir Masque de Mort et la souffrance que ne manquait jamais de lui inspirer sa froideur. Il n’y avait qu’un seul cas dans lequel le chevalier du cancer mettait de coté cette attitude méprisante et lui prodiguait un peu d’attention... Alors Aphrodite commença à le caresser avec une expérience de plusieurs années déjà...

 

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Ils avaient fait l’amour pendant plusieurs heures et gisaient maintenant épuisés dans les bras l’un de l’autre. Il était rare que Masque de Mort reste aussi longtemps et Aphrodite en était heureux. Il avait posé la tête sur sa poitrine et caressait doucement les flancs couverts de sueur du chevalier du cancer alors qu’il sentait l’une des mains de ce dernier posée sur ses reins pendant que l’autre allait et venait le long de son dos dans un geste presque tendre.

Cette nuit avait vraiment été exceptionnelle pour Aphrodite. Non seulement Masque de Mort lui avait témoigné un peu d’affection par des gestes et des baisers qu’Aphrodite n’aurait jamais cru possible de sa part mais aussi parce qu’il avait commencé à le traiter vraiment comme un autre homme, prenant garde à son plaisir, et pas seulement comme une simple poupée gonflable de haut standing.

Il poussa un soupir de contentement et déposa un léger baiser au creux du cou de son amant.

 

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Masque de Mort :

Aphrodite semblait heureux. Moi aussi j’aurai dû l’être... Et je l’étais d’une certaine manière. Mais je ne pouvais m’empêcher de penser qu’agir comme je l’avais fait avait été une erreur. J’avais oublié momentanément toutes mes bonnes résolutions et la rupture n’allait en être que plus douloureuse. Je n’avais certes pas l’intention de le quitter dès maintenant mais il était sûr qu’un jour la mort allait le faire pour nous et sur le chemin de la damnation nos souvenirs viendraient nous hanter et nous détruire plus encore.

 

Mon Maître m’avait enseigné la réalité de l’existence et son inutilité. Une vie heureuse ne nous apporterait pas la sérénité dans l’éternité mais au contraire l’amertume d’avoir tout perdu. Seul la haine et la solitude dans ce monde pouvaient rendre supportable la vie dans l’autre. Nos âmes finiraient dans le puits de l’oubli quelque ait été notre vie et c’est pour cela qu’il était bien plus sage de s’y préparer dès maintenant.

Mais je m’étais laissé piéger... Piéger par ce visage d’ange et ce corps d’athlète. Il m’avait sans le vouloir emprisonné dans des sentiments que je n’aurais jamais cru possibles, que j’aurais voulu croire éternellement impossibles et je savais que désormais ma vie comme ma mort n’allaient être qu’un long chemin d’amère nostalgie et de souvenirs impossibles à revivre.

Je devais me détacher de lui, me détacher de cet amour torturant et déchirant mais je paraissais en être incapable. Il m’avait enchaîné bien malgré moi. Mais je devais, pour notre salut à tous les deux, mettre un terme à tout ceci... dès que le courage me viendrait... Un jour... Peut-être.

Mais j’étais si bien près de lui, loin de l’horreur qu’était devenue ma vie après que mon Maître m’eut montré...

 

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-Tu as l’air bien pensif.

La voix d’Aphrodite mit momentanément un terme à la réflexion de Masque de Mort.

-Ce n’est rien. Je pensais à... Laisse tomber...

Aphrodite le regarda, inquiet pendant quelques secondes, puis se réinstalla plus confortablement contre lui, leurs visages désormais tout proche l’un de l’autre. Le chevalier du poisson passa une main tendre dans l’étrange chevelure bleue de Masque de Mort et déposa un doux baiser au coin de ses lèvres. Le chevalier du cancer ne put réprimer un léger sourire, ses états d’âme désormais repoussés au plus profond de son esprit par la lumière hypnotisante des yeux bleus qui le fixaient avec une profonde affection.

-Je... commença Aphrodite. Il y a une chose que j’aimerais savoir...

Masque de Mort fut surpris par l’air gêné et un peu anxieux de son compagnon. Il espérait qu’il n’allait pas lui demander s’il l’aimait car quels que soient ses réels sentiments, Masque de Mort ne pourrait jamais les avouer. Ca serait se condamner définitivement. Mais la requête d’Aphrodite fut tout autre.

-J’aimerais connaître... Ton vrai prénom.

Aphrodite savait sa question un peu déplacée. Si Masque de Mort cachait son véritable prénom, c’est qu’il avait une bonne raison pour cela. Personne au Sanctuaire en tout cas ne semblait le connaître. En fait, après cette nuit, Aphrodite s’était demandé, suite à l’inhabituelle attention dont Masque de Mort avait fait preuve, si celui-ci n’avait pas découvert, tout comme lui, ses véritables sentiments. S’il acceptait de partager le secret de son prénom avec lui, c’est que quelque part il le considérait comme quelqu’un de spécial. Si d’un autre côté il refusait... Et bien c’était quand même moins grave que de s’entendre dire qu’on n’était pas aimé.

Masque de Mort éclata de rire. Son prénom... Il l’avait lui même quasiment oublié !

-Non, répondit-il, je ne peux pas.

-Mais pourquoi ? insista Aphrodite.

Masque de Mort réfléchit quelques secondes avant d’encore une fois se mettre à rire aux éclats, un son surprenant venant de la part d’un être généralement aussi sombre. Même Aphrodite, malgré le refus de son amant, ne put s’empêcher d’en sourire de bonheur.

Enfin Masque de Mort retrouva son calme.

-Non... Il est trop ridicule!!!

Aphrodite le regarda, surpris. Ridicule ! Masque de Mort ne voulait pas lui dire son prénom parce qu’il était ridicule. Pas pour une profonde raison hautement psychologique et enfouie dans les tréfonds de son passé.

-Et moi alors qu’est-ce que je devrais dire ! répliqua-t-il.

Masque de Mort lui jeta un regard amusé.

-Oui mais toi il te va bien... La déesse de l’amour et de la beauté, rien ne t’es plus approprié !

-Une pouffiasse prétentieuse oui!!!

-C’est bien ce que je dis, enchaîna espièglement Masque de Mort, ça te va bien. Alors que moi...

L’insulte ainsi dite sur le ton de la plaisanterie amusa beaucoup Aphrodite, ravi par cette étrange complicité qui venait de s’installer entre eux. Il attrapa un oreiller et en flanqua un grand coup sur le crâne de Masque de Mort.

-Moi une pouffiasse prétentieuse!!! Répète-le si tu l’oses!!!

-Pouffiasse prétentieuse!!!

-Tiens prends-toi ça!!!

Et une nouvelle série de fulgurants coups d’oreiller atteignit le chevalier du Cancer en pleine face. Mais le pauvre coussin ne résista pas longtemps à un tel traitement et explosa en un nuage de plumes blanches. (Pardonnez l’auteur pour ce gros délire mais c’était trop tentant).

-C’est malin, maintenant je vais avoir tout le ménage à faire, dit Aphrodite, en riant aux larmes et en se laissant retomber dans les bras de Masque de Mort.

-Bahhhhh... Heee qu’est-ce que tu fais!!!

-Tu as des plumes plein les cheveux, il faut bien que je t’en débarrasse.

Et patiemment, Aphrodite retira une à une les petites plumes parsemées dans la sombre chevelure.

-Pffffff, t’es pire que ma mère...

-Pourquoi tu l’as connue ?

-Non, mais je suppose qu’elle aurait fait pareil. Allez j’en ai marre!!!

Il attrapa Aphrodite et le plaqua dos au matelas avant de l’embrasser avec passion. Aphrodite passa les bras autour de son cou et le serra contre lui.

-Il t’en reste..., murmura-t-il.

-Tant pis, elles partiront à la douche...

-Tu ne veux toujours pas me le dire ?

-Quoi donc ?

-Ton prénom...

Masque de Mort ignora cette petite voix paniquée au fond de sa tête qui lui disait qu’il agissait vraiment comme un imbécile et poussé par les merveilleux moments qu’il venait de passer il se remémora le mot qu’il avait banni de son vocabulaire il y avait longtemps de cela.

-Tu me promets de ne pas rire ?

-Promis.

-............

-Alors??? insista Aphrodite.

Masque de Mort ne put retenir une grimace et se lança.

-Angello. (Merci Christou !)

-Angello??? Ahhahahahahahahah!!!!

Masque de Mort se détacha soudainement d’Aphrodite pour s’asseoir à l’autre bout du lit.

-Tu m’avais promis de ne pas rire ! s’exclama-t-il, vexé.

Aphrodite se redressa et s’approcha de lui en marchant à quatre pattes avant de le prendre à son tour dans ses bras.

-Excuse-moi. Je ne voulais pas. C’est juste que c’est tellement... Inattendu !

-Je te l’avais dit, fit remarquer Masque de Mort d’un ton boudeur, que ça ne m’allait pas du tout.

-Au contraire, répliqua Aphrodite en resserrant son étreinte. Il ne pouvait y avoir de meilleur nom pour toi... Angello mon Ange.

Masque de Mort se laissa finalement retomber sur le lit, entraînant Aphrodite avec lui et tous deux passèrent le reste de la nuit à dormir ensembles.

 

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-Alors Angello, comprends-tu maintenant ?

-Maître, où sommes-nous ?

Angello n’avait jamais rien vu de tel. Tout ici était si sombre, si froid, si mort... Et il y avait ces gens au loin... Tous tellement semblables et inquiétants...

-C’est ici que passent les mourants avant de plonger dans le puits de l’Enfer.

Angello réalisa avec horreur l’endroit ou il se trouvait.

-Mais c’est ignoble ! Ca veut donc dire que tous ces gens sont morts.

-Mourants. Mais une fois qu’ils auront plongé dans le puits, il en sera terminé de leur vie terrestre. C’est ce qui nous attend tous.

-Non, non, ce n’est pas possible. Il n’y a là que les pécheurs et les criminels.

-TOUS ANGELLO!!! TOUS!!! Tu vois cette enfant là-bas, crois-tu qu’elle ait eu le temps de commettre un quelconque crime ?

-Non...non...

Hypnotisé par le macabre spectacle, Angello regarda longtemps les âmes se jeter dans le puits avant de finalement reprendre ses esprits.

-Mais alors la façon dont nous vivons ne sert à rien... Quelles que soient nos actions et notre passé nous finissons ainsi...

Le Maître s’approcha de lui et lui posa doucement une main sur l’épaule.

-Je vois que tu commences à comprendre.

On sentait un ton amer mais satisfait dans sa voix.

-Mais... Mais.. reprit Angello, happé par le désespoir. N’y a-t-il aucune solution ?

-J’en ai trouvé une... Celle que m’avait enseignée mon Maître qu’il tenait lui même de son Maître et cela depuis des générations. Si tu veux la connaître, dis-le moi mais cela te demandera d’énormes sacrifices...

Angello regarda les âmes passer près de lui et toute la détresse qui s’en dégageait. Jamais... Jamais cela...

-Dites-le moi mon Maître. Je suis prêt.

-Bien... Sais-tu pourquoi ces âmes souffrent Angello ?

-Non Maître.

-Ces âmes souffrent car elles sont en proie à leurs souvenirs. Elles repensent au bonheur terrestre et au malheur qu’elles connaîtront désormais et elles trouvent cela injuste. Elles ont mal parce qu’elles ont laissé sur Terre tant de choses qui leur apportaient douceur et réconfort. Seuls ceux qui connaissent l’enfer et la solitude échappent à tant de douleur. Quelqu’un qui n’a aucun sentiment et qui a vécu loin des joies apportées par autrui ne regrette rien de sa vie terrestre et n’a nulle raison d’avoir peur du puits. Si tu ne veux pas connaître le même sort que tous ces morts, il faut bannir tes sentiments. N’avoir ni remords, ni pitié, ni amis. Tu dois être seul au monde et n’avoir aucun respect pour les autres, aucune considération. Et puis... Abréger leur vie terrestre est en quelque sorte une forme de bonté puisqu’ainsi tu abrèges leur possibilité d’avoir des souvenirs heureux. Tu m’as bien compris Angello ?

-Oui Maître. N’avoir aucun sentiment...

Dès leur sortie de cet endroit maudit, Angello, qui décida de bannir à jamais ce nom trop doux, commença à tuer sans remords ni pitié.

 

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Masque de Mort sentait sa vie se terminer... Son cœur se ralentissait, ses membres s’engourdissaient. Pourquoi mourrait-il, il l’ignorait mais c’était ainsi.

Il marchait le long d’un chemin, entouré par des milliers d’autres gens. Où était-il ? Où allait-il ? Soudainement il reconnut le lieu maudit dans lequel il avait entraîné toutes ses victimes tant de fois auparavant. Mais cette fois-ci, c’était lui qui avançait vers le puits sombre dans lequel tomberait à jamais son âme.

Aphrodite, pensa-t-il. Où est Aphrodite ?

Et soudainement il réalisa... Plus jamais il ne verrait Aphrodite... Plus jamais il ne le tiendrait dans ses bras ou n’embrasserait ses lèvres si douces. Terminé à jamais. Il passerait l’éternité seul à errer en enfer, à vivre sur d’amers souvenirs à jamais perdus.

Il comprit la douleur de ceux qui l’entouraient, il la partageait. Il n’avait pas suivi les conseils de son Maître, il avait laissé quelque chose l’atteindre et maintenant il le regretterait jusqu’à la fin des temps. Si seulement il pouvait arrêter tout cela... Tout arrêter...

Il se retrouva face au puits... Il ne voulait pas y aller. Il ne voulait pas y tomber mais on le poussa.

Ce fut l’obscurité et le silence simplement brisé par ses hurlements de désespoir.

 

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Masque de Mort se réveilla en sursaut. Quel horrible cauchemar ! Un cauchemar ou peut-être plus probablement son avenir...

Il regarda Aphrodite qui dormait paisiblement à ses côtés. Il semblait si pur, si beau dans la lumière matinale. Qui aurait pu croire que la veille même il n’avait pas hésité à se rendre sur l’île d’Andromède pour servir les noirs projets du Grand Pope ?

Cela faisait plusieurs semaines déjà que le chevalier de cancer assistait tous les matins à ce spectacle et pourtant il ne s’en lassait pas. Pour quelqu’un qui prétendait vivre sans sentiment, il s’était laissé bien facilement attraper. Il laissait Aphrodite l’appeler par son prénom et commençait même à aimer cela.

Masque de Mort revit des bribes de son cauchemar. Il paraissait tellement réaliste... Sûrement une sorte d’avertissement. Tout était allé trop loin avec Aphrodite. Il s’était laissé entraîné par le jeu et était désormais des plus vulnérables. Certes, il ne pourrait jamais effacer tous les merveilleux souvenirs qu’ils avaient tissé ensembles mais il pouvait éviter que ne s’en construisent de nouveaux.

Il maudit sa propre bêtise. Comment avait-il pu oublier à quel point le chemin de l’enfer est horrible pour les gens qui furent trop heureux ? Il s’était laissé griser et le regretterait certainement le moment venu. Mais il pouvait limiter les dégâts et c’est ce qu’il allait faire dès maintenant. Même si cela devait les faire souffrir, lui et Aphrodite, c’était déjà mieux que d’avoir à supporter le poids de son passé pour l’éternité.

Il se leva rapidement et se rhabilla en silence. Cela n’empêcha pas Aphrodite de s’éveiller. Surpris de le voir déjà debout, le chevalier du poisson se redressa et passant une main délicate dans son épaisse chevelure en désordre demanda d’une voix faible :

-Où vas-tu ? Tu ne restes pas encore un peu ?

 

Masque de Mort sentit son cœur se serrer, ce cœur qu’il devait faire taire. Il n’avait pas le choix.

-Je m’en vais.

-Oh... Et quand pourrais-je te revoir ? On mange ensemble ce soir ?

-Non... Je m’en vais... Définitivement.

Aphrodite cligna deux fois des yeux comme s’il avait du mal à comprendre ce que lui disait son amant. Puis son visage prit la couleur de la craie.

-Tu plaisantes n’est-ce pas ? demanda-t-il d’une voix mal assurée.

-Non. Je me suis bien amusé avec toi. C’était sympa mais là j’en ai assez, donc il va falloir que tu trouves quelqu’un d’autre pour soulager ta libido.

Aphrodite porta des mains tremblantes jusqu’à ses tempes et ferma les yeux quelques secondes.

-Pourquoi ? Dis-moi au moins pourquoi ? Angello, je croyais...

-Ne m’appelle plus comme ça, compris ? Et peu m’importe ce que tu croyais ou les idées que tu as pu le faire à mon sujet. J’en ai rien à foutre de ta gueule et encore moins de ton cul, maintenant excuse-moi mais je dois partir.

Masque de Mort s’approcha de la porte quand la voix d’Aphrodite l’interrompit.

-NON!!! Reste... Je t’en prie... Si tu as le moindre sentiment pour moi, même pas de l’amour ni de l’affection mais juste un peu de tendresse, voire un peu de considération, reste, je t’en supplie.

Masque de Mort regarda pour la dernière fois celui qui avait su briser son mur de haine. Il semblait tellement perdu, seul au milieu de ce grand lit que Masque de Mort fut sur le point de le prendre dans ses bras pour le consoler. Mais la voix de la raison l’emporta sur les derniers et uniques sentiments qu’il lui restait jusqu’à présent... Sur son dernier vestige d’humanité. Il se détourna et sortit.

-Pardonne-moi Aphrodite, murmura-t-il trop bas pour que l’autre puisse entendre. Je n’ai pas le choix. J’espère qu’un jour tu comprendras que c’est pour nous que j’ai fait ça.

 

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Aphrodite resta longtemps assis sur le lit. Il ne pleura pas, ne cria pas. Il resta juste là sans bouger, insensible au monde extérieur. Alors c’était fini, plus jamais il ne le tiendrait dans ses bras, plus jamais il ne goûterait ses lèvres, plus jamais ils ne feraient l’amour. Le seul être qu’il eut jamais aimé venait de l’abandonner à son tour et il se retrouvait de nouveau seul... Mais rien ne serait plus jamais comme avant.

Combien de temps resta-t-il ainsi, il l’ignorait. Plusieurs heures certainement. En tout cas jusqu’à ce qu’un garde vienne frapper à sa porte pour lui annoncer que les chevaliers rebelles et la fausse Athéna (la vraie Athéna rectifia Aphrodite au fond de lui) arrivaient au Sanctuaire et qu’il devait s’apprêter à livrer bataille. Il était certes le dernier chevalier d’or mais tous devaient se préparer au combat.

 

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Masque de Mort tenait le chevalier du dragon à sa portée quand soudainement quelque chose le troubla. Des prières... Les prières d’une femme aimant son adversaire.

Il sentit la rage monter en lui. Pourquoi ces deux là avaient-ils le droit de s’aimer ? Pourquoi n’étaient-ils pas comme lui assaillis par le doute ? Pourquoi ne connaissaient-ils pas les mêmes affres que lui et Aphrodite ? De colère, il la précipita dans la cascade au bord de laquelle elle se trouvait. Grave erreur que ce fut là car il déclencha la colère de son ennemi.

Ainsi Dragon, pensa Masque de Mort, tu aimes cette femme à ce point ? Je ne peux dire si tu es un homme chanceux ou pas... Tu connaîtras la souffrance éternelle au moment de ta mort mais... Tu connais aussi la douceur d’avoir quelqu’un à tes côtés. Moi... Moi je n’ai su choisir et j’ai tout perdu. Je l’ai perdu lui comme je sais que je serai définitivement rongé par les regrets et l’amertume. Je devrais le haïr... Le haïr...

La haine le submergea. Cette haine de lui-même, de sa faiblesse, de cet amour qui lui avait fait perdre la raison. Quelque chose se brisa en lui, son dernier morceau d’humanité... Son amour... Il n’était plus capable d’aimer, il n’était plus capable de rien. La présence d’Aphrodite l’avait jusqu’à présent empêché de sombrer dans la folie mais maintenant qu’il avait également perdu cela, il était devenu pire qu’une bête, un monstre à forme humaine.

Et son armure le quitta. Il venait de renoncer à la dernière chance qu’il avait de sauver son âme... L’Amour... Aphrodite... Et l’armure l’avait senti. Il n’était plus digne d’être un chevalier. Il n’y avait plus rien de bon en lui... Il avait tout perdu. Quelques instants plus tard, il était mort.

Alors qu’il commençait à tomber au milieu des autres âmes, le doute s’empara de son esprit... Et s’il s’était trompé ? Et si la meilleure façon de vaincre l’appréhension de l’enfer ce n’était pas la haine absolue mais au contraire l’amour... Cet amour qu’il aurait pu vivre pleinement aux côtés d’Aphrodite et dont la douceur l’aurait enveloppé et bercé même au milieu des pires moments...

Ainsi son châtiment allait être pire que ce qu’il aurait pu croire... Des regrets, d’éternels regrets et surtout le doute...

 

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Aphrodite :

Alors c’est terminé. Pour moi en tout cas tout est fini. Certes je ne suis pas encore mort et mon corps est même en on ne peut meilleure forme mais mon esprit est dévasté. Quelques minutes auparavant j’ai senti la cosmo énergie d’Angello s’éteindre. Et c’est comme si j’étais mort moi aussi.

Oh mais je suppose que je le serai bientôt de toute façon. Poussé par leur foi et le soutien d’Athéna, ces chevaliers de bronze sont de redoutables adversaires. Je ne doute pas qu’au moins l’un d’entre eux parvienne jusqu’ici.

Je le combattrai sans pitié, je dois bien ça au Pope. Après tout n’est-ce pas grâce à lui qu’Angello et moi avons été aussi proche ? Mais je lui laisserai certainement le temps de me porter un coup mortel. Je suis considéré par beaucoup comme le plus terrible des chevaliers mais cela ne sera pas vrai aujourd’hui. Aujourd’hui je n’aspire qu’à la mort...

Angello, je ne sais pas, et je ne saurais probablement jamais ce qui t’a poussé à agir de la sorte. Tu m’aimais je le sais, tu l’as assez murmuré la nuit quand tu me croyais endormi. Mais j’ai toujours senti quelque chose en toi, quelque chose qui te faisait craindre cet amour... Quelque chose qui t’avait mené à cette cruauté et à cette froideur... Quelque chose qui a fini par avoir raison de toi et qui t’a tué...

Moi aussi dans quelques heures je serai mort. Et je te rejoindrai. Je ne sais quelles sont les routes qui mènent à l’enfer mais j’y serai à tes côtés. Eternellement nous serons ensembles sur les chemins de souffrance.

 

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