Prologue :

Subaru se plia en deux d’excuses devant la jeune femme qu’il venait de bousculer dans

sa course folle ; une fois de plus, il était très en retard pour son rendez-vous avec Seishirô mais un travail de dernière minute l’avait retenu plus longtemps que prévu.

Le vétérinaire lui avait donné rendez-vous à 14H. devant l’entrée principale de Luna Park afin de passer l’après-midi ensemble au parc d’attraction.

L’exorciste tressaillit donc en entendant, au loin, une cloche sonner 14H.30. Se redressant prestement, il s’excusa une ultime fois et repartit, comme il était venu, en courant, sous le regard hébété de son interlocutrice.

Il n’était pas loin de 14H.45 lorsqu’il arriva enfin au lieu de rendez-vous. Toutefois, il eut la surprise de n’y trouver personne.

C’est bizarre qu’il ne soit pas là…Il est toujours si ponctuel d’habitude… " Le jeune homme jeta un coup d’œil à sa montre et repensa à ce que son ami lui avait dit en la lui offrant : " Ainsi, tu ne seras plus en retard à nos rendez-vous ! "

- Seishirô-san ! murmura-t-il d’une imperceptible voix tandis que son visage s’assombrissait.

Il en aura eu marre d’attendre et sera rentré…Pourvu qu’il ne soit pas fâché ! J’espère qu’il ne croit pas que j’ai pu lui poser un lapin et qu’il ne m’en veut pas… "

Subaru était inquiet ; il aurait bien fait demi-tour pour rendre visite au vétérinaire mais préféra attendre encore un petit peu : après tout, il avait très bien pu, lui aussi, avoir un contretemps. Il soupira en s’accoudant à la balustrade qui le séparait du parc et, si ses yeux fixaient les stands ainsi que les visiteurs qui s’y promenaient, son esprit, lui, était ailleurs : il s’inquiétait pour son ami ; il avait un très mauvais pressentiment…, et, malheureusement, ses pressentiments s’étaient rarement démentis…

15H.30 ; Subaru ne put se résoudre à attendre plus longtemps : à l’heure qu’il était Seishirô ne viendrait plus, c’était certain. Soucieux autant que triste, il décida de rentrer chez lui…, en faisant une petite halte chez le vétérinaire pour voir si tout allait bien. Cependant, il trouva porte close ; apparemment, ce dernier n’était pas chez lui.

Je me demande où il peut être ? "

C’était un dimanche et l’exorciste savait que son ami n’avait rien d’autre de prévu… C’était d’ailleurs lui qui avait lourdement ( très lourdement même…) insisté pour qu’ils sortent ensemble. Aussi, il ne pouvait s’empêcher de trouver cette absence étrange… Mais, à défaut de pouvoir faire autre chose, il décida de rentrer chez lui… Il lui téléphonerait dans la soirée.

et quand je donne ma langue au chat,

je vois les autres…

tout prêt à se jeter sur moi..

C’est pas d’ma faute à moi,

si j’entends tout autour de moi

Hello Loli-t-a !

Moi Lolita…

Subaru ? !

Hokuto, qui s’affairait à astiquer l’appartement en chantant, s’arrêta net en voyant entrer son frère.

Nous ne nous sommes pas disputés, continua-t-il d’une voix plus calme dont une intonation triste trahissait les tourments de son âme… Nous n’avons même pas eu ce plaisir ! ajouta-t-il sur un ton à peine audible tandis que son visage s’assombrissait.

Un pied sur une chaise, la jeune fille brandissait un poing en direction de la porte d’un air menaçant. Son frère la regardait faire, d’un air mi-inquiet, mi-étonné : comme d’habitude, elle en faisait trois fois trop ! Aussi, crut-il bon de prendre la défense de Seishirô.

Sa sœur marqua un temps d’arrêt, reprenant une posture normale. Les bras croisés, elle fit la moue, semblant juger la viabilité de l’excuse avancée.

La jeune fille était repartie dans un nouvel accès de colère démonstratif qui semblait accabler son frère. Subaru posa la main sur son chapeau, l’enfonçant ainsi plus profondément sur son crane et secoua la tête d’une consternation navrée : décidément, elle était irrécupérable !

La jeune fille se calma brusquement et toisa son frère d’un air suspicieux qui l’intrigua : qu’est ce qui pouvait bien encore lui passer par la tête ? !

L’exorciste tressaillit.

- Ququququ… QUOI ? !

La jeune fille ne finit pas sa phrase. Posant son regard sur son frère, elle venait de remarquer son expression d’infinie tristesse. Celui-ci la fixait, les yeux embrouillés par les larmes qui montaient et articulant avec peine des lèvres dont aucun sons ne parvenaient à sortir. De fait, Hokuto comprit tout de suite qu’elle avait une erreur.

La jeune fille le regarda sans trop comprendre ; toute cette histoire était si loin et si insignifiante qu’elle n’y pensait même plus depuis fort longtemps. La question de son frère la laissa donc un instant sans réponse ( c’est pour dire ! ) ; elle s’étonnait et s’inquiétait de constater que, pour le jeune homme, ce fut encore si présent : visiblement, le mal avait été bien plus grand qu’elle ne l’avait imaginé et cela le travaillait encore…

qu’il t ‘avait dit ? ! Répondit-elle pour le rassurer.

Cependant, son manque visible de conviction ne fit que renforcer Subaru dans ses appréhensions. Voyant cela, elle éclata d’un rire provoqué et secoua son frère en lui tapant sur l’épaule.

quoi…, j’plaisantais bien sur… Tu sais bien que Seishirô est bien trop amoureux de toi pour regarder ailleurs, voyons ! ! !

Hum ! rajouta-t-elle, un instant plus tard en prenant un air pensif, tu as sans doute raison :

il a du penser que tu ne viendrais plus et aller faire un petit tour tout seul, malheureux que son p’tit Subaru ne soit pas avec lui ! …Néanmoins, il mérite une petite leçon pour ne pas t’avoir attendu…Laisse-le se morfondre encore un peu et tu le rappelleras dans la soir…

Elle fut stoppée dans son élan par un bruit de porte qui se fermait. Relevant la tête, elle constata que son frère n’était plus là. Elle fixa un moment la porte close, triste du chagrin qu’elle avait pu causer involontairement au jeune homme : mais qu’est ce qui avait bien pu aussi lui passer par la tête pour dire une chose pareille ; elle savait pourtant mieux que quiconque à quel point celui-ci pouvait se montrer jaloux lorsqu’il s’agissait de Seishirô

Subaru était parti se réfugier dans sa chambre ; il n’était pas dupe des mensonges que sa sœur pouvait inventer pour essayer de lui remonter le moral.

Allongé sur son lit, il se surprit à se demander ce qui était le pire : qu’il soit parti avec un autre ou qu’il lui soit arrivé quelque chose ? Réalisant ce qu’il venait de penser, il secoua la tête, indigné contre lui-même : quelle question ! Mieux valait encore qu’il soit en bonne santé ! …Mon Dieu, faîtes qu’il aille bien… !

Serrant les poings, l’exorciste ferma les yeux et des larmes coulèrent sur ses joues. Une étrange sensation de malaise et d’impuissance l’opprimait sans qu’il ne parvienne à l’expliquer. Emporté par la fatigue nerveuse, il finit par s’endormir.

Noir. Sombre. Obscurité la plus totale. Ni bruit. Ni début. Ni fin. Ni sensation sauf, peut-être, une légère odeur. Une odeur…de sang.

Subaru se tient debout, comme suspendu dans le vide. 

Vent froid. Vent rose. Rideau rose. Rideau de pétales. Pétales de cerisier. Pétales qui volent. Pétales qui dansent. Pétales qui tournoient. Pétales qui cachent vue. Ombres derrière pétales.

Subaru met la main devant ses yeux ; fronce les sourcils : efforts pour distinguer ombres.

Vent se calme. Rideau déchiré. Pétales moins denses. Ombres plus nettes.

Cerisier en fleur. Deux personnes dessous. Personnes de profil. Une debout contre cerisier. Une à ses genoux.

Vision se rapproche. Vision plus nette. Ombre debout cheveux longs, manteau noir. Vent cache visage de seconde personne derrière manteau et cheveux volant de première. Mains de seconde personne attachées derrière dos. Liens racines de cerisier.

Vision se rapproche. Seconde personne s’écroule en arrière. Trou dans la poitrine, place du cœur. Poing de première personne sort de poitrine. Main pleine de sang.

Seconde personne à terre, morte. Personne connue. Murmure de Subaru au bord des larmes.

- Seishirô-san ? !

Subaru veut courir vers son ami ; impossibilité. Impression d’enracinement. Racines de cerisier le cloue au sol. Efforts pour se dégager. Subaru tombe. Sensation d’impuissance. Spectateur impuissant. Mains tendues. Larmes. Hurlement.

Hurlement attire première personne. Tourne la tête vers Subaru.

Vent se lève. Pétales de cerisier tournoient. Rideau de pétales. Rideau cache visage. Cheveux longs volants. Sourire cynique. Sang ruisselant sur main. Sang de Seishirô. Seishirô inerte dans mare de sang. Trou dans le cœur. Douleur ressentie dans cœur de Subaru.

Pétales de plus en plus denses. Rideau cache vision… Plus rien. Nouvelle obscurité.

Cri de désespoir.

Son hurlement, mélangé à l’horreur de son rêve, réveilla Subaru en sursaut. Encore horrifié, il s’assit sur le bord de son lit. Les mains posées en X sur sa bouche comme pour retenir un éventuel haut le cœur suscité par la violence de ce qu’il venait de voir, les yeux écarquillés, il se remettait tant bien que mal de son cauchemar, essayant de calmer le rythme effréné des battements de son cœur. Bien que ses yeux s’étaient taris, des larmes coulaient encore sur son visage.

Une fois remis de ses émotions et comme pour se rassurer définitivement, il décida d’appeler Seishirô. Il était à présent 18H. 30, il faisait nuit et son ami serait certainement rentré chez lui.

Un coup d’œil dans le salon lui fit comprendre qu’Hokuto n’était plus là : tout était anormalement calme ! La jeune fille s’était retirée chez elle pour laisser son frère se reposer et se calmer ; elle avait suffisamment fait de dégâts comme ça pour la journée…

Subaru s’assit près du bar et se saisit du téléphone. Il composa le numéro du vétérinaire et attendit avec impatience que celui-ci décroche. Chaque sonnerie ne faisait qu’accentuer d’avantage son inquiétude : " Répondez ! Mais répondez donc ! "

Subaru manqua de s’étrangler au bout du fil : "  Tout de même…, il exagère ! ! ! "

…Ah ! C’n’est pas grave si c’est tard ! Bon, ben… ! A tout à l’heure… ! ! !

Le jeune homme reposa le téléphone et se replongea dans ses tristes pensées : tout cela ne lui disait pas où pouvait se trouver son ami. Il était à présent persuadé qu’il n’était pas avec un autre mais qu’il courrait un danger autrement plus grave.

Hokuto venait de rentrer, les bras chargés de paquets qu’elle jeta dans les bras de son frère.

Le jeune homme posa les paquets sur le bar et se força à sourire à sa sœur pour ne pas lui faire de peine : elle s’inquiétait toujours tellement pour lui ! Joignant le geste à la parole, celle-ci avait enfilé son tablier et commença à fouiller dans le sac pour en sortir les articles qui lui faisaient besoin.

Subaru baissa la tête et repris un air inquiet.

L’exorciste préféra ne pas parler de son rêve à sa sœur. Elle aurait probablement essayé de lui remonter le moral en lui racontant une histoire qui, de toute façon, n’aurait rien changé, ni aux événements, ni à son inquiétude ; alors pourquoi la tracasser, elle aussi, avec cela…

Le repas se déroula en silence. Subaru était bien trop soucieux pour pouvoir avaler quoique ce soit : il fixait sa soupe en la brassant avec sa cueillere. Toutes les 30 secondes, il levait la tête et promenait son regard de l’horloge au téléphone, puis du téléphone à l’horloge.

Hokuto avait bien essayé de lui changer les idées en lui racontant les derniers potins qu’elle avait lus dans Star Club ou les tenues, " absolument sensationnelles " qu’elle avait vues dans les vitrines en allant faire les courses…Elle avait même tenté de le réconforter en essayant de le persuader que Seishirô ne tarderait pas à l’appeler mais n’avait obtenu qu’un bref sourire de complaisance…

Vers 21H.00 finalement, et alors que l’exorciste avait déjà téléphoné une bonne douzaine de fois sans résultat, la sonnerie de l’appareil se fit entendre. D’un bond, le jeune homme, qui, au grand dam de sa sœur, faisait les cent pas dans la pièce, fut près du téléphone qu’il décrocha.

Hokuto éclata d’un rire tonique qui gêna encore plus son frère.

Subaru ne l’écoutait que d’une oreille. Les yeux rivés sur la pendule, il avait hâte que cette conversation prenne fin.

L’ancien chef de famille avait bien senti que son successeur était préoccupé par autre chose et n’insista pas.

Le jeune homme reposa le combiné et regarda sa sœur qui se remit à rire de plus belle.

Il s’arrêta net en entendant le sempiternel message du répondeur…Son visage, sur lequel s’était peint, un bref instant, une lueur d’espoir, reprit son aspect triste.

Le jeune homme lui sourit tristement

Il pénétra dans la cuisine où sa sœur finissait de nettoyer la vaisselle du dîner et l’embrassa.

Il quitta la cuisine et traversait le salon vers sa chambre lorsque l’interphone sonna. Nonchalamment, il se dirigea vers la porte et décrocha l’appareil.

L’exorciste blêmit en la reconnaissant.

Nerveusement, il tira le verrou et ouvrit la porte. Appuyé contre le mur, le vétérinaire s’écroula dans ses bras.

Pétrifié, le jeune homme ne savait que dire. Instinctivement, il avait passé sa main gauche autour de la taille de son ami pour le soutenir. Afin de le rassurer, il caressa doucement ses cheveux de l'autre main, quand une sensation chaude et poisseuse le surprit. Retirant sa main, il s’aperçut avec effroi qu’elle était pleine de sang. Il écarta alors doucement Seishirô de lui : son costume était en lambeaux, son corps tout entier couvert de sang, et lui-même, à présent, avait perdu connaissance…

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